LES CAPETIENS
PHILIPPE 1ER ET LES PERSONNALITES

 

BRUNO DE COLOGNE FONDE LE MONASTERE DE LA GRANDE CHARTREUSE

Au Moyen Age, la vie monastique est considérée comme l'idéal absolu. Et les moines les plus exigeants souhaitent revenir à une pratique religieuse plus ascétique et contemplative. Fondé par Bruno de Cologne, le monastère de la Grande Chartreuse, dont l'église sera consacrée le 2 septembre 1084, va leur offrir la retraite à laquelle ils aspirent, au coeur du "désert".

L'idéal bénédictin de Cluny a fait long feu. Depuis que l'abbaye bourguignonne est devenue riche et puissante, les meilleurs d'entre les moines aspirent à une pratique religieuse plus sévère, moins liée aux contingences terrestres. Ils veulent remettre en valeur l'ascétisme, la solitude, le renoncement absolu aux intérêts séculiers. Pour cela, d'autres formes de la vie cénobitique sont envisagées, combinant de façon différente la vie communautaire et une nécessaire solitude pour chacun. En quelques années, les nouveaux monastères se succèdent, tel celui de la Grande Chartreuse, fondé en 1084 sous l'égide de Bruno de Cologne.
Né à Cologne vers 1030, Bruno est le seul des réformateurs du monachisme à ne pas être Français, mais Allemand. Il a cependant quitté sa ville natale vers 1044 pour s'installer en Champagne. Maître réputé, il a été nommé écolâtre à l'école cathédrale de Reims en 1057, puis chancelier en 1075, et une brillante carrière ecclésiastique semble s'ouvrir à lui.

Bruno de Cologne est l'un de ceux qui s'opposent vigoureusement à l'archevêque de Reims Manassès 1er, accusé de simonie, et quand celui-ci est déposé, le légat Hugues de Die lui propose de le remplacer. Or, l'archevêque de Reims est le plus haut personnage de l'Eglise de France! Bruno refuse, préférant, en 1080, se retirer du monde, loin de ses affrontements, à Sèche Fontaine, dans la forêt proche de Molesme, avec deux disciples, Pierre et Lambert. Il aurait quitté Reims, "par haine de cet infâme", assure l'abbé Guibert de Nogent, lui-même hostile à "l'infâme" archevêque Manassès.
Mais, surtout, Bruno aspire à la solitude et au "désert". Bientôt, il cherche un lieu de retraite encore plus écarté, qu'il trouve à une vingtaine de kilomètres au nord de Grenoble, au coeur du massif de la Grande Chartreuse. Grâce à l'appui de l'évêque Hugues de Grenoble, il y fait construire un premier ermitage en bois et une église, qui est consacrée le 2 septembre 1084. Le nouveau monastère est situé sur les "flancs d'une montagne escarpée et vraiment effrayante vers laquelle ne se dirige qu'un seul chemin, très difficile et fort peu fréquenté", souligne Guibert de Nogent. Mais ce lieu inhospitalier convient parfaitement à Bruno : "Ce que la solitude et le silence du désert apportent d'utilité et de divine jouissance à ceux qui les aiment, ceux-là seuls le savent qui en ont fait l'expérience. Là, en effet, les hommes forts peuvent se recueillir autant qu'ils le désirent, demeurer en eux-mêmes, cultiver assidûment les germes des vertus et se nourrir avec bonheur des fruits du paradis".

Cet isolement radical dans la montagne met en lumière la volonté d'un ascétisme des plus rigoureux : silence presque perpétuel, pauvreté, port du cilice à même la peau, alimentation presque exclusivement composée de pain, de laitage et de légumes, obligation quotidienne du travail manuel. Le cénobitisme y est réduit à sa plus simple expression. Car si les Chartreux ont un cloître, ils ne demeurent pas ensemble comme les autres moines : "Chacun a sa cellule (sauf au tout début) autour du cloître, où il travaille, dort et prend ses repas", précise Guibert de Nogent. Tout en se référant à la règle bénédictine, l'ordre contemplatif des Chartreux tient ainsi de "l'érémitisme collectif"; ses moines se consacrent essentiellement à la prière et à la méditation. La lecture et la transcription des anciens manuscrits les occupent aussi, car Bruno a été écolâtre, et l'esprit cartusien n'est pas ennemi des lettres.
La Grande Chartreuse connaît des débuts difficiles. En 1090, lorsque Bruno est appelé comme conseiller en Italie par un de ses anciens élèves de Reims, devenu pape sous le nom d'Urbain II, la communauté se disperse. Son fondateur en appelle à l'abbé de la Chaise Dieu et au pape, qui la place sous la protection de Saint Pierre, pour qu'Hugues de Die et Hugues de Grenoble la réinstallent. Si Bruno de Cologne se rend à Rome, il refuse les honneurs qu'on lui réserve et se retire en Calabre : il y fonde le monastère Santa Maria della Torre, où il rend son âme à Dieu le 6 octobre 1106.

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