LES CAPETIENS
LOUIS IX ET LE PEUPLE

 

LA CROISADE DES PASTOUREAUX

Voilà bientôt trois ans que Louis IX est parti pour la septième croisade. Alors que son fils est prisonnier depuis le 6 avril 1250, la régente Blanche de Castille s'efforce de réunir l'énorme rançon demandée par le sultan d'Egypte. Si les souverains d'Europe se désintéressent du sort du roi de France, , de nombreux paysans sont prêts à agir. Mais, sous la houlette du "maître de Hongrie", la croisade populaire des "pastoureaux" va dégénérer en jacquerie.

"Le pape Innocent IV ose prêcher une nouvelle croisade alors que mon fils est en prison! Je ne tolérerai pas qu'un seul baron ose se croiser plutôt que de verser la rançon qui délivrera le roi. Le devoir d'assistance au suzerain prime tous les autres! J'ordonne que tous les biens, terres et châteaux de ceux qui se croisent à l'injonction du pape soient saisis!" La régente Blanche de Castille est hors d'elle. L'hiver 1250 ne lui a apporté que de mauvaises nouvelles jusqu'à la défaite de Mansourah, en février, et la capture de son fils, le roi Louis IX, le 6 avril. Cette désastreuse croisade n'a eu qu'un seul avantage : envoyer en Terre Sainte, loin de France, les turbulents féodaux qui contestent le pouvoir royal. Mais, aujourd'hui, âgée de soixante ans, la régente n'a plus aucune armée à lever pour défendre le royaume contre la convoitise de ses voisins ou mater la révolte des villes, telles Avignons, Arles ou Marseille, qui refusent catégoriquement de participer au paiement de la rançon du roi.
Blanche de Castille a sollicité l'aide de tous les souverains d'Europe. En vain. Elle ne sait plus à quel saint se vouer et implore Dieu de lui adresser un signe qui lui permette d'espérer, quand elle apprend que des paysans se seraient croisés pour aller combattre les Infidèles et "porter secours au roi de France"!

Peu à peu, la régente finit par prêter l'oreille aux étranges rumeurs qu'on lui rapporte. Vers Pâques 1251, en dénommé Jacob, un saint homme certainement, s'est présenté comme "l'envoyé de la Vierge Marie pour prêcher la croisade aux bergers". Dans le Brabant, en Flandre, en Picardie, par centaines puis par milliers, les paysans se sont ralliés à ce moine apostat de l'abbaye de Citeaux. Complètement fanatisés, ils ont suivi ce nouveau prophète, ce saint thaumurge qui guérit par imposition des mains, prêche en chemin devant des foules considérables qui applaudissent tant l'éloquence que les miracles accomplis par celui qui se fait appeler le "maître de Hongrie". Partis 30 000, ils sont bientôt plus de 100 000. Les autorités s'inquiètent de leur nombre et de leur comportement agressif, auquel aucune force, aucune ville n'ose s'opposer. Certes, au début, le "maître de Hongrie" est accueilli comme un homme de Dieu. Mais sa trop nombreuse escorte, ces "pastoureaux" devenus troupeau qui se livrent au pillage tel un nuage de sauterelles, fait rapidement figure de fléau.
"N'est-ce pas là l'armée divine que je réclame à Dieu dans mes prières?" Sans écouter ses conseillers, qui l'incitent à la prudence et la mettent en garde contre les faux prophètes, Blanche de Castille, à bout d'espoir et voyant là un signe de la Providence, accepte de recevoir le "maître de Hongrie" et son "armée sainte" à l'abbaye de Maubuisson.

"Grande reine, je suis envoyé par Dieu pour délivrer ton fils" : ce sont exactement les mots que la régente veut entendre. Rassurée, elle accorde au "maître de Hongrie" l'autorisation de prêcher en chaire à Notre Dame de Paris. Fin mai, au grand dam des authentiques prélats, couvert d'amulettes, celui-ci entame une homélie sidérante, réclame l'égalité pour les pauvres, aujourd'hui et non après la mort, incitant les foules à la révolte. Le prêche terminé, ses ouailles se répandent dans la capitale, où, comme à Amiens au début du mois, elles s'en prennent aux clercs, trop riches, aux bourgeois, trop avides, aux nobles, qui refusent d'aller délivrer le roi, et aux juifs. Malgré l'intervention des officiers du guet à la Sorbonne et dans le quartier de l'Université, de nombreux clercs sont massacrés.
Ce n'est qu'à grand peine qu'on parvient à contraindre les pastoureaux à quitter Paris. La troupe se scinde en deux bandes : l'une fait route vers Rouen, l'autre vers Orléans. Là, devant la résistance acharnée des milices communales, les uns continuent vers Tours, les autres vers Bourges. Blanche de Castille comprend enfin (les rapports de ses intendants aidant) que la croisade populaire a dégénéré en jacquerie, que les pastoureaux n'ont ni l'intention ni la possibilité d'aller délivrer son fils. Aussi ordonne-t-elle qu'on débarrasse le royaume de ce fléau et du "maître de Hongrie", qualifié à présent d'hérétique et de sorcier. Le 11 juin, à Villeneuve sur Cher, à la suite d'un engagement violent, le dénommé Jacob est capturé et mis à mort. Leur "prophète" disparu, les foules se dispersent d'elles-mêmes, et la révolte finit par s'éteindre.

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Page MAJ ou créée le Vendredi 5 Mars 2004

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