LES CAPETIENS
LOUIS IX ET LE PEUPLE

 

LES FOIRES DE CHAMPAGNE

Apparu à la fin du XIIème siècle, le phénomène des foires va pendant près de deux cents ans rythmer la vie économique de l'Occident médiéval. Les foires les plus importantes, celles de Champagne, brassent des marchandises provenant aussi bien d'Europe que du Proche Orient.

Le jour vient de se lever sur Provins. Le froid qui règne encore en cette matinée du mois de mai n'entame en rien l'ardeur des marchands. La place de la ville haute, dominée par l'imposante silhouette de la tour de César, est couverte d'étals aux couleurs chatoyantes, derière lesquels on vante avec passion la qualité de la marchandise. Tous ont parcouru des centaines de kilomètres pour rallier ce rendez-vous où se côtoient Italiens et Espagnols, Anglais et Allemands, Flamands et commerçants des pays de France. Ici, on achète du drap de Flandre; là, un marchand espagnol négocie la vente d'un lot de fourrures; de loin en loin, on aperçoit, fendant la foule, des agents du comte Thibaud V de Champagne, chargés de garantir la sécurité de tous et de prévenir d'éventuelles fraudes.

Phénomène quasi spontané, les foires de Champagne doivent leur succès à de nombreux facteurs. Depuis la fin du XIIème siècle, l'Occident chrétien, débarrassé des Vikings, connaît une période de prospérité économique. A la faveur des croisades, on a découvert des produits nouveaux. Peu à peu, sous l'impulsion des Génois et des Vénitiens, un commerce s'est développé en Méditerranée. Epices, vin, blé, coton, mais aussi sucre, sel et tissus précieux affluent en Europe. Quantité de produits, tels les teintures et les cuirs, viennent d'Espagne. Les pays du Nord proposent des draps de Flandre, des fourrures, du bois, de la laine, du poisson.
Les routes étant plus sûres, le trafic des biens de consommation colportés par des marchands ambulants a augmenté. Conscients de l'importance géographique de leur province, idéalement située à la croisée des flux commerciaux, les comtes de Champagne s'efforcent d'y attirer les marchands. Ils font bâtir des hôtels pour les loger et assurent leur protection. Chaque négociant bénéficie d'un emplacement réservé, et la paix est garantie le temps des foires. Bientôt, quatre villes de Champagne deviennent les plaques tournantes du commerce européen. Les foires s'y tiennent en alternance pendant une durée de trois à six semaines. Le cycle débute à Lagny en janvier et février; Bar sur Aube accueille les marchands en mars; en mai, Provins leur ouvre ses portes; en juillet, on se retrouve à Troyes, puis de nouveau à Provins, en septembre. La dernière foire de l'année, la foire "froide", a lieu à Troyes les deux derniers mois de l'hiver.
Les foires se déroulent suivant un schéma précis. La première semaine, les marchands s'installent sur leurs emplacements. On en profite pour comparer les prix et prendre des contacts en vue de transactions, tandis que les agents du comte de Champagne vérifient la conformité des poids et mesures. Puis vient la vente, pendant laquelle se négocient les achats. Enfin, dans la dernière semaine, on procède au règlement des marchandises achetées.

Peu à peu, le visage des foires se modifie. A partir du milieu du XIIIème siècle, les activités financières se mêlent aux transactions commerciales. Des banquiers italiens venus de Sienne assurent désormais les opérations monétaires. Ils répandent l'usage de la lettre de change, rendue nécessaire par le volume des marchandises et des transactions effectuées. A partir de la fin du siècle, les foires de Champagne perdent de leur importance. De nouvelles voies de communication sillonnent toute l'Europe. Les marchands itinérants désertent Provins et Troyes, qui ne conservent que leurs activités financières. Par ailleurs, des marchands italiens s'installent dans les villes textiles, traitant directement avec les producteurs pour éviter de payer des intermédiaires. Puis, en Italie, se développe une industrie du drap qui concurrence celle de Flandre et rend inutiles les rencontres en Champagne. Dans la seconde moitié du XIIIème siècle, bénéficiant d'un meilleur approvisionnement, les marchands s'associent et se sédentarisent dans les grandes villes. Ils profitent alors d'une clientèle régulière qui assure leur prospérité. Après le rattachement de la Champagne à la France, en 1284, les guerres franco-allemandes puis la guerre de Cent Ans porteront un coup fatal aux foires champenoises.

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