LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE ET LES PERSONNALITES
ALIENOR D'AQUITAINE EXERCE LA REGENCE LORS DU DEPART DE RICHARD COEUR DE LION POUR LA CROISADE
En 1187, les deux grands souverains d'Occident, Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste, ont promis au pape Alexandre III d'aller en Terre Sainte libérer Jérusalem. En 1190, après avoir récupéré un "trésor", le roi d'Angleterre est prêt, comme convenu, à rejoindre le Capétien à Vézelay. Mais, auparavant, il confie la régence à sa mère, Aliénor d'Aquitaine.
Conscient des risques que représente un long voyage en Orient, Richard Coeur de Lion tient à "neutraliser" son frère, Jean Sans Terre, en lui octroyant quelques comtés et en lui interdisant de revenir sur le territoire de la "Grande Ile" avant trois ans. Mais Aliénor d'Aquitaine s'entremet et lève l'interdiction. Erreur politique? Témoignage d'affection à l'égard de son dernier fils? Elle pense que, étant officiellement régente, elle aura l'autorité nécessaire pour juguler ses frasques. Cependant, la reine n'est pas seule; c'est Guillaume Longchamp, chancelier et grand justicier, qui dans un premier temps, va se mesurer au prince Jean.
Alors qu'Aliénor d'Aquitaine est partie
rejoindre le roi Richard en Sicile, sur le chemin de la croisade, pour lui amener
l'épouse qu'elle lui a choisie, Bérangère de Navarre, Jean
Sans Terre, profitant de son absence, parcourt l'Angleterre pour se faire connaître
à tous, barons, prélats et bourgeois, donnant à entendre
que le roi ne reviendra jamais de Terre Sainte. Il s'oppose à Guillaume
Longchamp, détesté pour avoir la main dure, et prend la tête
d'un mouvement hostile au chancelier, qui doit s'enfuir à Paris.
A
la Noël 1191, on apprend que Philippe Auguste a quitté la Terre
Sainte et vient d'arriver à Fontainebleau. Aliénor d'Aquitaine,
inquiète, quitte sa Cour de Bonneville sur Touques et ordonne la fortification
des châteaux tout au long de la frontière du royaume Plantagenêt.
Elle a raison de s'inquiéter : alors que le roi de France réclame
la place de Gisors, le prince Jean a réuni une armée de mercenaires.
On lui prête l'intention de venir faire hommage à Philippe Auguste,
afin de recevoir l'investiture du duché de Normandie en échange
de la forteresse. Dès le 11 février 1192, la reine Aliénor
s'embarque pour l'Angleterre. Elle y réunit des assemblées de
barons, à qui elle fait jurer fidélité à Richard
Coeur de Lion, et empêche son cadet de mener à bien son expédition
sur le continent. Elle envoie message sur message au roi d'Angleterre pour le
prier de revenir dans ses Etats. L'attente est longue. Pendant toute une année,
Aliénor d'Aquitaine parvient à maintenir l'ordre dans le royaume
et à détourner Jean Sans Terre (au moins provisoirement) de toute
entreprise contre son frère. Mais elle sait que cet équilibre
est précaire et que le cadet de ses fils n'a aucune parole. L'annonce
que Richard Coeur de Lion doit passer Noël en Angleterre la soulage enfin.
Mais sur le chemin du retour, le roi d'Angleterre
est fait prisonnier par Léopold d'Autriche, avec qui s'est entendu Philippe
Auguste. La reine dépêche aussitôt Guillaume Longchamp et
deux religieux en Allemagne pour s'enquérir du lieu où est retenu
son fils. Toute la Chrétienté est scandalisée par cet acte
d'impiété, car les biens et la personne de tout croisé
sont inviolables, garantis par la trêve de Dieu.
Philippe Auguste,
lui, en profite pour passer à l'action. Le 12 avril 1193, il se fait
remettre Gisors par le sénéchal de la place, Gilbert Vascoeuil.
Cet acte de trahison ouvre au roi de France la route du Vexin normand et donne
la mesure de ce qui peut advenir. De son côté, Jean Sans Terre
essaie de se faire reconnaître par les barons normands. Il essuie un échec
mais s'empresse de courir à Paris pour rendre hommage à Philippe
Auguste, son suzerain pour les terres qu'il possède sur le continent.
En prime, il accepte la revendication du roi de France sur le Vexin normand.
C'est dans ces circonstances dramatiques qu'Aliénor d'Aquitaine donne
pleinement sa mesure. Elle déjoue les complots fomentés par les
deux complices. Les rivages de l'Angleterre sont mis en état de défense
et contrôlés pour empêcher toute tentative de débarquement
armé. Le roi d'Ecosse, obligé de la reine, refuse les mercenaires
que lui demande Jean Sans Terre.
Enfin, la reine Aliénor reçoit
une lettre du roi Richard, en date du 19 avril 1193, transmise par Guillaume
Longchamp. Une rançon énorme est exigée pour la libération
de son fils. Qu'à celà ne tienne! Elle lève une aide, et
vassaux, hommes libres, églises et monastères sont mis à
contribution. En novembre, à la demande du roi d'Angleterre, elle prend
la mer pour escorter le précieux convoi jusque sur les bords du Rhin.
La mère et le fils se retrouvent enfin le 2 février 1194. Richard
Coeur de Lion peut rentrer en Angleterre, triomphant. Aliénor d'Aquitaine,
elle, peut se targuer d'avoir exercé la régence avec une infinie
sagesse.
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