LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE ET LES PERSONNALITES

 

LA MORT D'ALIENOR D'AQUITAINE

C'est au printemps 1204, à l'abbaye de Fontevraud, aux confins de l'Anjou et de la Touraine, qu'Aliénor d'Aquitaine s'est éteinte. Dans ce "Saint Denis des Plantagenêt", la "deux fois reine" repose au côté de son époux, Henry II d'Angleterre, et de son fils, Richard Coeur de Lion.

On ne sait exactement si Aliénor d'Aquitaine s'est éteinte le 31 mars ou le 1er avril 1204. Peu importe la date exacte... Ce jour là, ou cette nuit là, la reine n'a aucun des siens à son chevet. Depuis près de quinze ans, son époux, le roi Henry II Plantagenêt, n'est plus de ce monde. Et il y a bientôt cinq ans que Richard Coeur de Lion, son fils tant aimé, a succombé à Châlus, dans le Limousin. Son cadet, Jean Sans Terre, désormais maître de l'Angleterre et du beau duché d'Aquitaine, tente tant bien que mal de sauver ce qui reste de "l'empire angevin". Début mars, la forteresse du Château Gaillard est tombée, après huit mois de siège. Aliénor d'Aquitaine l'a-t-elle appris? Sans doute. Et sans doute en a-t-elle été profondément affectée. D'autant que depuis, le roi de France Philippe Auguste s'est emparé de la Normandie et d'une partie du Poitou, sonnant le glas de la gloire des Plantagenêt sur le continent. La "deux fois reine", qui, depuis la mort de Richard Coeur de Lion, n'a cessé d'oeuvrer pour "limiter les dégâts", n'a plus d'illusion à se faire : avec Jean Sans Terre à sa tête, l'empire angevin court à sa perte.
Dans le fracas des combats comme des conquêtes, la mort d'Aliénor d'Aquitaine passe presque inaperçue. Philippe Auguste doit cependant se réjouir de cette disparition qui met tout l'ouest de la France à portée de sa main.

Aliénor d'Aquitaine a rendu son dernier soupir à l'abbaye de Fontevrault. Quelques semaines plus tôt, épuisée, la vieille reine octogénaire s'y est retirée et y a pris le voile. Dans l'église du Grand Moutier, elle  repose maintenant près de Richard Coeur de Lion et d'Henry Plantagenêt. Un sculpteur anonyme a rendu, mieux que les chroniqueurs, sa beauté incomparable. Son gisant représente la souveraine défunte pleine de majesté, apaisée, frapée dans les plis de sa robe et de son manteau, le visage encadré du voile à mentonnière. Dans ses mains, elle tient un livre ouvert... Ouvrage pieux ou recueil de poèmes? Jusque dans l'au-delà, Aliénor d'Aquitaine reste la reine lettrée inspiratrice de la littérature courtoise. Transfigurée sous la couleur de la pierre peinte, elle semble avoir définitivement rompu avec l'image négative que certains ont colportée; ni sorcière Mélusine ni Messaline mangeuse d'hommes, "fille incontinente et corrompue", telle que l'a décrite l'abbé de Burdeau, le biographe de Louis VII. Sans doute influencé par cette réputation sulfureuse, le chroniqueur Richard de Devizes a cru devoir faire suivre son brillant éloge funèbre d'une remarque sibylline sous-entendant que la reine n'a pas toujours été au-delà du blâme : "Beaucoup savent ce que j'aimerais qu'aucun de nous ne sache. La même reine, au temps de son premier mari, était à Jérusalem. Ne laissons personne ajouter quoi que ce soit à ce propos; je ne le sais que trop bien. Silence"!

 La légende s'est vite emparée d'Aliénor d'Aquitaine, dont les incessants voyages ont contraint les chroniqueurs à souvent narrer ses entreprises sans en être directement témoins. Organisatrice mais aussi destructrice, édifiant et protégeant couvents, monastères et cathédrales, mais luttant farouchement contre l'emprise de l'Eglise, volontaire mais capricieuse, surtout dans sa jeunesse, la reine a toujours dérouté par sa personnalité complexe. On raconte qu'elle aurait tué Rosamond Cliffor, la "rose immonde", maîtresse d'Henry Plantagenêt, en lui donnant à choisir entre l'épée et le poison. Mais l'accusation ne tient pas. Rosamond est morte dans le monastère où elle s'est retirée en 1176, pendant la détention d'Aliénor au château de Salisbury. On dit qu'Aliénor a trompé ses deux maris. En l'occurrence, c'est elle qui a été trompée. Certes, en Terre Sainte, où elle a accompagné son premier époux, Louis VII, elle a été très proche de son jeune oncle Raymond de Poitiers, "grand, mieux fait de corps et plus beau qu'aucun de ses contemporains". Et elle a pris son parti lorsqu'il s'est opposé au roi de France à propos de la défense de Jérusalem. La plupart des chroniqueurs l'ont accusée d'avoir eu de nombreux amants lors de ce séjour en Orient. Selon Guillaume de Tyr, elle serait tombée dans les bras de son oncle fort séduisant. Il est certain qu'ils ont éprouvé une grande tendresse l'un pour l'autre. Tous deux aimaient la poésie, s'entretenaient en langue d'oc, que Louis VII ne comprenait pas. Sans doute, aussi, contrairement à son époux qui vivait comme un moine, Aliénor s'épanouissait-elle pleinement dans cette atmosphère orientale... Mais nous n'en savons pas plus.... !!!!

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