LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL, SA VIE
LA MORT DE LA REINE JEANNE DE NAVARRE
Le 2 avril 1302, la reine Jeanne de Navarre meurt subitement, à l'âde d'environ trente deux ans. Un mois auparavant, la pieuse épouse de Philippe le Bel a pris la précaution de rédiger son testament, par lequel elle a fondé le collège de Navarre.
Pendant près de vingt et un ans, Philippe le Bel et Jeanne de Navarre,
qui ont grandi ensemble, ont formé un couple très uni. Le 2 avril 1305, quand,
à l'âge de quelque trente deux ans, la reine meurt au château de Vincennes, le roi est
particulièrement affligé; et jamais il ne se remariera. Ce décès est si soudain,
que certains ne peuvent croire qu'il est dû à une cause naturelle, et la rumeur
accuse Guichard de Troyes d'avoir empoisonné, ou envoûté, la souveraine.
Ancien
conseiller de Jeanne de Navarre tombé en disgrâce, Guichard de Troyes a déjà
fait l'objet de vives attaques et a été condamné pour malversations financières.
Quelques années après la mort de la reine, au cours de l'hiver 1308, le bailli
de Sens rapporte au roi ce que lui a confié un ermite champenois. Ayant perdu
la faveur de sa protectrice, l'évêque se serait vanté de pouvoir rentrer en grâce
auprès de Madame Jeanne "ou qu'il s'en débarrasserait". Ce qu'il aurait
fait en rendant hommage au diable puis, avec une sorcière et une religieuse,
en fabriquant une image de cire qu'il aurait percée à coups d'épingle. Telle
serait la cause de la mort de la reine! Ces allégations sont confirmées par
deux témoins, la sorcière et un valet de chambre. La première, Margueronne de
Bellevillette, assure, après avoir été soumise à la question, qu'elle a vu le
diable, sous la forme d'un moine noir, avec des cornes au front et battant des
ailes, parler avec l'accusé. Certes, le prélat n'a jamais voulu s'expliquer
sur certaines visites nocturne avérées, mais il est avant tout victime d'une
machination ourdie par certains de ses ennemis acharnés.
Un mois avant sa mort, Jeanne de Navarre a rédigé son
testament. Elle y a consigné des legs destinés à tous les familiers de son hôtel,
du haut en bas de la hiérarchie, depuis les "enfants de la cuisine"
jusqu'au conseiller du roi Enguerrand de Marigny, qui a commencé sa carrière
dans son entourage. Tous doivent recevoir une somme de 40 000 livres parisis
prise sur la dot royale. Comme il est de coutume, elle lègue des sommes importantes
à de multiples établissements religieux. Elle se montre particulièrement généreuse
pour les franciscains, peut être sous l'influence de son confesseur, Durand
de Champagne, qui appartient à cet ordre. Leur couvent parisien, où elle a élu
une sépulture, se voit ainsi attribuer 1 000 livres; ceux de Champagne et de
Brie et qu'elle a administrés elle même, sont aussi largement dotés.
La reine
destine encore des dons à de nombreux chapitres de chanoines, à des couvents,
à des hôpitaux, à des étudiants pauvres. Son testament fait par ailleurs état
de sa volonté de fonder un hôpital à Château Thierry. Enfin, et surtout, plus
du tiers du document est consacré à la fondation d'un collège, sur le modèle
de celui qu'a ouvert en 1257 Robert de Sorbon; il sera installé dans le magnifique
hôtel de Navarre et accueillera des étudiants pauvres, sans aucun soutien financier
familial.
A cet établissement, qui deviendra le collège de Navarre,
la reine Jeanne lègue une rente perpétuelle de 2 000 livres par an pour subvenir
aux besoins de la communauté, pour doter d'un logement et d'une bourse 70 étudiants
en grammaire, en arts, en théologie. Le confortable montant de cette aide leur
assurera un niveau de vie supérieur à celui du simple paysan et des boursiers
des autres collèges parisiens.
Jeanne de Navarre, femme intelligente et cultivée,
qui a reçu enfant le même enseignement que Philippe le Bel, a fixé avec une
grande précision l'organisation de la future communauté. Normalement, un collège
n'a qu'une fonction d'accueil et ne dispense pas d'enseignement : la reine a
innové en la matière, en prévoyant des cours.
Autre nouveauté : elle a souhaité
réunir sous le même toit des étudiants de différentes facultés, dont elle a
planifié la vie quotidienne, vertueuse et consacrée à l'étude, avec un luxe
de détails. Autour de la chapelle du collège, située au coeur de l'hôtel de
Navarre et foyer spirituel de la communauté, elle encourage ses "héritiers"
à la dévotion personnelle. De façon inédite, elle a fait acte de piété en présidant
à la fondation d'un établissement destiné à former pour le service de l'Eglise
des hommes de valeur; espérant que, reconnaissants envers leur bienfaitrice,
ils recommanderont, génération après génération, son âme au Seigneur.
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