LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL, SA VIE

 

LA MORT DE PHILIPPE LE BEL

Trois semaines durant, Philippe le Bel souffre d'une maladie que ses médecins ne parviennent ni à identifier ni à soigner. Le souverain va rassembler ses dernières forces pour transmettre ses recommandations à son héritier, le futur Louis X le Hutin, avant de s'éteindre le 29 novembre 1314, à quarante six ans.

Contrairement à Louis VI ou à Saint Louis, Philippe le Bel n'a pas eu un Suger ou un Joinville pour raconter son règne et chanter ses louanges jour après jour. Cependant, Guillaume l'Ecossais, un moine de l'Abbaye de Saint Denis, a laissé un récit relatant son agonie et sa mort. Alors que les témoignages contemporains décrivent pour la plupart le roi comme un être froid et cruel, le continuateur des Chroniques de Guillaume de Nangis montre un homme profondément pieux et un souverain infiniment soucieux des affaires du royaume. Le 4 novembre 1314, alors qu'il se trouve à Poissy, Philippe le Bel se plaint de violentes douleurs à l'estomac, est pris de vomissements et de diarrhée, en proie à une soif inextinguible. Il est en pleine force de l'âge et a toujours joui d'une excellente santé, si bien que les médecins ne comprennent pas quelle est la cause de sa soudaine maladie, qui de surcroît ne s'accompagne d'aucun accès de fièvre. Est-ce une conséquence de la mauvaise chute de cheval qu'il a faite lors d'une chasse au mois d'octobre? Pourtant l'ancienne blessure, causée par un sanglier, ne semble s'être ni réouverte ni infectée. Pendant une dizaine de jours, le souverain est soigné à l'infirmerie du couvent de dominicaines qu'il a lui-même fondé à Poissy en l'honneur de son aïeul Saint Louis. Puis il gagne Essonne à cheval. Là, épuisé, il est transporté en litière et par bateau jusqu'à Fontainebleau, où il est né et où il veut mourir.

Le 26 novembre, se sentant perdu, Philippe le Bel se confesse après avoir modifié son testament et fait plusieurs donations à des monastères. Il donne ensuite sa bénédiction à ses fils, les futurs Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel, réunis à son chevet. Au prince Louis, son aîné et son héritier, il fait solennellement ses dernières recommandations.  "Je vous aime sur tous autres, mais que votre vie soit telle que vous soyez digne d'être aimé. Ce sont les choses que je vous commande et mande à garder sous la malédiction que père peut donner à son fils. Si en telle manière ne les gardez, puissiez-vous encourir la malédiction divine et la mienne. Premièrement, aimez Dieu sur toutes choses. Sainte Eglise ayez toujours en grande révérence, gardez-la en ses droits et la défendez toujours à votre pouvoir (...). Pesez, Louis, pesez ces paroles : qu'est-ce que d'être roi de France? Pour ce maintenez-vous en telle manière que Dieu en soit loué et le peuple encouragé. Enfin pensez au bon gouvernement de votre royaume, et gardez justice soigneusement, tout à votre pouvoir. D'ailleurs vous enjoins, tout comme je puis, que vous sachiez par vous-même, à votre pouvoir, l'état de votre royaume, et le plus tôt que vous pourrez". Alors que le roi vient de souligner la part considérable qui a été la sienne dans l'administration du pays, Louis, en pleurs, lui affirme qu'il respectera scrupuleusement ses commandements.

Plus concrètement, Philippe le Bel ajoute cet ultime conseil : "Gouvernez-vous du conseil de mes frères, vos oncles. Ainsi ne pourrez venir à mal". Il recommande ainsi à son successeur de se garder des comtes Charles de Valois et Louis d'Evreux, qui, contrairement à lui, sont favorables aux féodaux. Peut-être a-t-il appris que, alors qu'il agonise, les barons et les Grands de la Cour sont entrés en rébellion? Ce qui l'incite à protéger son fils en l'invitant à s'appuyer sur les bons et loyaux serviteurs du royaume. Il a également un mot en faveur du chambellan Enguerrand de Marigny, qu'il sait menacé par la jalousie des Grands et dont il tente de protéger l'avenir.
Le 29 novembre, le Garde des Sceaux enregistre un dernier acte à la demande de Marigny. Toute la Cour est présente et laisse faire malgré la haine qu'elle éprouve pour le chambellan, car telle est la volonté du roi agonisant. Ce dernier acte stipule que le comté de Poitiers, apanage de son deuxième fils, reviendra à la Couronne en cas de défaut "d'hoir mâle", c'est-à-dire si le futur Philippe le Long, alors comte de Poitiers, meurt sans héritier mâle. Quelques années plus tard, cette décision confortera les tenants de la succession en ligne masculine à la Couronne. Pour l'heure, le contentement du roi s'exprime sur les traits détendus de son visage, alors qu'il pose un regard toujours aussi haut et aussi majestueux sur ceux qui l'entourent. Peu après, vers midi, Philippe le Bel rend son âme à Dieu, à l'âge de quarante six ans, pendant la célébration de l'office du Saint Esprit.

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