LES CAPETIENS
LOUIS IX
ET LES PERSONNALITES
MESSIRE DE JOINVILLE ECRIT L'HISTOIRE DE SAINT LOUIS
Lors de la septième croisade, le sire Jean de Joinville est devenu l'ami de Louis IX. Un demi siècle plus tard, la reine Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel, lui suggère de rédiger ses mémoires. Dès sa parution, en 1309, le "Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis", relatant la vie quotidienne aussi bien que les aventures du souverain en Egypte, connaît un succès immédiat et constitue aujourd'hui encore un précieux témoignage.
"Messire de Joinville,
vos souvenirs sur le roi Louis IX méritent de rester dans les mémoires, pourquoi
ne les écrivez vous pas"? La reine Jeanne de Navarre
ne se lasse pas des récits du sire Jean de Joinville et se plaît à lui faire
décrire la vie quotidienne au temps de Saint Louis, le grand-père de son époux,
Philippe le Bel. Pendant six années, de 1248 à 1254, en Terre Sainte, le vieux
chroniqueur n'a pas quitté le roi. Avant de devenir son ami, il a combattu à
Mansourah, vécu à son côté mille aventures.
En 1298, lors du procès de canonisation
de Louis IX, Joinville a été l'un des principaux témoins et a dépeint le pieux
souverain avec une fervente exactitude. Aujourd'hui, sensible à la suggestion
de la reine Jeanne, il commence à composer le Livre des saintes paroles et
des bons faits de notre saint roi Louis, pour les siècles à venir. L'ouvrage
paraît en 1309 et connaît un succès immédiat, car la croisade a été l'aventure
la plus extraordinaire du siècle et les chevaliers d'alors rêvent tous aux exploits
de leurs ancêtres en Terre Sainte.
Rédigée dans un style naturel, avec beaucoup
de franchise et une grande sincérité, l'oeuvre de Joinville, bien que souvent
hagiographique, trace un portrait humain et vivant de Saint Louis. Ce récit simple
et familier ne peut que séduire les contemporains. De plus, le sénéchal de Champagne
a bonne mémoire et cite les phrases authentiques qui réflètent l'esprit et la
pensée du défunt roi. Ses propos et ceux qu'il prête au souverain font écho
aux évocations de Guillaume de Saint Parthus, le confesseur de la reine Marguerite
de Provence. Lors de sa déposition au procès de canonisation de Saint Louis,
celui-ci, également témoin privilégié, confirme le récit de Joinville, qui donne
à voir un roi simple, indifférent aux honneurs, poussant la mortification dans
tous les aspects de la vie quotidienne, allant jusqu'à se priver des plaisirs
de la table, alors prisés de tous.
Plus chroniqueur qu'historien, Joinville
ne relate pas seulement les exploits de Louis IX. Il conte aussi la vie quotidienne
à la Cour, les petits et les grands faits du règne. Le roi, dont il décrit les
goûts, les attitudes et les réactions, devient un personnage presque familier.
Joinville rapporte ainsi que, alors que Philippe Auguste, doué du solide appétit
des Capétiens, absorbait "d'énormes
quantités de viande qu'il faisait passer à coups de saladiers de vin chaud",
Louis IX "avait ses préférences culinaires,
mais, contrairement à son grand-père, il les combattait systématiquement",
au désespoir de ses cuisiniers, Isambart et Roger de Soisy, qui l'accompagnèrent
jusqu'en Egypte.
Lorsqu'on apporte au roi des rôtis de cygne
ou de sanglier, toutes viandes savamment préparées, accompagnées de savoureuses
sauces, il les noie dans l'eau, les rendant fades et insipides. Si on lui présente
son poisson préféré, la lamproie, il prend grand soin de faire d'abord servir
ses hôtes. Quant aux brochets ou aux carpes, il les renvoie en cuisine avec
l'ordre de les distribuer aux pauvres. Il n'apprécie rien tant que de dîner
dans l'une de ses abbayes de prédilection, Compiègne, Royaumont ou les Blancs
Manteaux. Et, jamais, il ne s'y installe en bout de table, auprès de l'abbé!
Il préfère s'asseoir avec les plus humbles, ravi et comblé par la frugalité
des repas. Joinville raconte également que, par mégarde, on a servi à Louis
IX un morceau de viande qui lui paraît meilleur que ceux qui sont attribués
à ses voisins de table. Aussitôt, le roi échange son écuelle contre celle d'un
vieux religieux...
Le texte de Joinville est suffisamment spontané pour que
l'on saisisse immédiatement que le chroniqueur, qui ne se départit jamais d'un
tranquille franc parler, n'approuve pas cette attitude de privation. Le roi
a beau lui prêcher la sobriété, il résiste avec obstination. Ainsi, à Chypre,
au roi qui essaie de le convaincre que l'eau est meilleure que le vin il oppose
les décrets de ses médecins, qui lui recommandent de se tonifier avec un peu
d'excellent cru! "Les médecins vous
trompent, à ce régime vous perdrez la santé car goutte et maladie d'estomac
vous guettent", insiste pourtant Louis IX, pendant
que Joinville opine tout en continuant tranquillement ses gobelets.
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