LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE, CHEF DE
GUERRE
LE SAC DE CONSTANTINOPLE
(12 AVRIL 1204)
Partie d'Occident en novembre 1199, la quatrième croisade n'atteindra jamais Jérusalem. Sous couvert de porter assistance à l'Empereur d'Orient Alexis IV, mais détournés de leurs pieux objectif par l'appât du gain, les croisés vont se lancer à l'assaut de Constantinople. Le 12 avril 1204, ils vont s'emparer de la cité, la mettre à sac sans scrupule et en massacrer impitoyablement la population chrétienne orthodoxe.
Au mois de novembre 1199, les barons d'Occident ont répondu à l'appel du pape Innocent III, et la quatrième croisade s'est mise en route vers la Terre Sainte. Pour payer leur passage sur les navires vénitieens, les chevaliers francs ont conclu de verser 80 000 marcs à la Sérénissime. Faute de pouvoir s'acquitter de 34 000 marcs, ils ont accepté d'attaquer le port dalmate de Zara (aujourd'hui Zadar), clef du commerce dans l'Adriatique. En 1202, si quelques barons, tel Simon de Montfort, ont refusé de frapper une cité chrétienne, les croisés semblent pour la plupart avoir oublié le but de leur expédition : reprendre Jérusalem aux Infidèles. Une autre affaire va les détourner définitivement de la Terre Sainte et de leur pieux dessein.
Pour retrouver la couronne dont son père
a été dépossédé, l'empereur d'Orient Alexis IV a offert aux Croisés 200 000
marcs et un renfort de 18 000 hommes. Rétabli sur le trône en juin 1203 grâce
aux Occidentaux, il tarde à s'acquitter de sa dette lorsque, le 5 février 1204,
il est renversé et étranglé par Alexis Murzuphle. Les Francs voient tout espoir
de récupérer l'argent promis anéanti. N'ayant plus suffisamment de vivres ni
pour retourner en Occident ni pour rejoindre la Palestine, ils décident, en
accord avec leurs alliés vénitiens, de prendre Constantinople et de s'emparer
de ses richesses. Bravant l'interdiction du pape d'attaquer une ville chrétienne,
ils donnent l'assaut à la capitale de l'Empire d'Orient le 9 avril à l'aube.
Après
plusieurs heures de combats acharnés, l'entreprise des Francs semble vouée à
l'échec. Alors que les chefs de la croisade tentent de remotiver leurs troupes,
certains, parmi les plus pieux, se souviennent des injonctions d'Innocent III
et sont de plus en plus réticents à s'emparer d'une cité chrétienne. Mais la
méfiance des Occidentaux vis à vis des chrétiens orthodoxes, qui par le passé
plusieurs fois fait alliance avec les Musulmans, l'emporte. "Les
évêques prêchèrent des serments au travers du camp (...) et montrèrent aux pélerins
que la bataille était légitime car les Grecs étaient des traîtres puisqu'ils
avaient assassiné leur seigneur légitime : ils étaient pire que les Juifs",
rapporte le chroniqueur Robert de Clari.
Le 12 avril, les croisés repartent
à l'attaque. Mieux préparés, ils parviennent à se rendre maîtres des remparts.
A la fin de la journée, ils font leur entrée dans Constantinople et, afin d'empêcher
toute contre-attaque des troupes d'Alexis Murzuphle, incendient une grande partie
de la ville.
Le lendemain, alors que toute résistance
a cessé, les Francs se livrent aux pires exactions et à un horrible massacre
qui durera trois jours. Terrorisés, les habitants, pour la plupart grecs orthodoxes,
tentent en vain de fuir. Impitoyablement, les hommes sont égorgés, les femmes
et les jeunes filles violées, puis tuées, des familles entières périssent brûlées
vives dans l'incendie de leur maison. "Alors,
vous auriez pu voir les croisés abattre les Grecs. Il y eut là tant de morts
et de blessés que c'était sans fin ni mesure", relate
l'ancien maréchal de Champagne Villehardouin. Puis la ville est mise à sac :
hommes du peuple ou chevaliers, les croisés s'emparent sans scrupule de ses
trésors. "Les brigands qui se rendirent
maîtres de Constantinople, affamés d'or comme tous les peuples barbares, se
livrèrent à des excès inouïs de pillage et de désolation. Ils ouvrirent les
tombeaux des empereurs qui décoraient le sanctuaire du grand temple; ils enlevèrent
les richesses qui s'y trouvaient, les perles, les pierres précieuses",
constate amèrement l'historien byzantin Nicétas Choniatès, témoin du drame.
Même les reliques, dont le culte est en vogue en Occident et dont la capitale
de l'Empire d'Orient regorge, ne sont pas épargnées. Et les clercs ne sont hélas
pas les derniers à se les approprier. Gunther de Pairis, moine d'une abbaye
alsacienne, décrit l'avidité de son abbé devant un coffre de reliques trouvé
dans une église : "L'abbé se hâta
d'y plonger avidement, y allant des deux mains, puis, retroussant son vêtement
du plus vivement qu'il put, il en remplit le creux".
Tandis
que les croisés fondent l'Empire latin d'Orient et en offrent la couronne au
comte Baudoin de Flandre, les Grecs créent à Nicée un Empire byzantin en exil.
A la suite des violences du sac de Constantinople, la rupture est consommée
entre chrétiens catholiques et chrétiens orthodoxes d'Orient, du point de vue
tant religieux que politique.
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