JEAN DE BEDFORD REGENT DU ROYAUME DE FRANCE
Intelligent et
ambitieux, le duc Jean de Bedford est nommé régent de France le 7 juillet
1422, pendant la minorité de son neveu, le jeune Henry VI d'Angleterre. Allié
au duc de Bourgogne Philippe le Bon, il va tenter d'administrer sagement un
royaume déchiré et ruiné par la Guerre de Cent Ans et par le conflit qui
oppose Armagnacs et Bourguignons.
Le 21 mai 1420, par
le traité de Troyes, le dauphin, le futur Charles VII, est déshérité au
profit d'Henry V d'Angleterre, qui devient officiellement "héritier de
France". Ce dernier épouse Catherine de Valois, la fille du roi Charles
VI, et reçoit le royaume de France en régence jusqu'à la mort de son
beau-père. A peine deux ans plus tard, le 31 août 1422, Henry V meurt, suivi
dans la tombe, le 21 octobre, par Charles VI. L'héritier du royaume, si l'on
exclut le futur Charles VII, est un enfant de huit mois, Henry VI, le fils de
Catherine de Valois et d'Henry V. Roi d'Angleterre depuis la mort de son père,
il est désormais également roi de France. Qui assurera la régence au nom de
cet enfant?
Sur son lit de mort,
Henry V anticipe les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter à la
mort de Charles VI. Il suggère à son frère, Jean de Bedford, de confier la
régence au duc de Bourgogne Philippe le Bon, l'inévitable allié. Mais,
ambitieux et opportuniste, Bedford ne peut laisser passer une telle occasion et,
le 7 juillet, s'octroie de lui-même la régence du royaume de France, qu'il
exercera seulement le 1er septembre, après la mort d'Henry V. Afin que nul
n'ignore sa "promotion", Bedford mène le deuil de Charles VI, portant
l'épée nue, symbole de son nouveau pouvoir, fort peu ému par les murmures qui
accompagnent le passage du cortège funèbre.
Né en 1389, Jean de Lancastre, duc de Bedford, a déjà une grande expérience
du pouvoir. Son frère, Henry V, lui a régulièrement confié la lieutenance du
royaume d'Angleterre lors de ses expéditions sur le continent. A la mort du
roi, Bedford est nommé "protecteur et défenseur du royaume et de
l'église d'Angleterre" en attendant la majorité du jeune Henry VI, dont
il est également le tuteur. Mais c'est de l'autre côté de la Manche que le
destin l'appelle, et il abandonne le gouvernement de l'Angleterre à son frère
Humpfrey, duc de Gloucester. En 1423, pour assurer ses chances de succès, il
épouse Anne, la soeur du duc de Bourgogne, puis tisse un réseau d'alliances
avec, outre Philippe le Bon, le duc Jean V de Bretagne et le comte Jean 1er de
Foix. Son autorité s'étend alors sur la Normandie, une partie de la Guyenne,
de la Champagne et de la Picardie, ainsi que sur les terres bourguignonnes de
l'Artois à la Flandre. Lorsque Henry VI s'installe à Paris, en 1430, Bedford
abandonne officiellement la régence. Mais il continuera d'exercer le pouvoir
jusqu'à sa mort, le 14 septembre 1435.
Très actif et d'une
froide intelligence, Bedford va, au nom d'Henry VI, administrer le royaume de
France avec efficacité et rigueur. Conscient de la vanité de sa mission s'il
n'a pas l'appui de l'administration du défunt Charles VI, il s'efforce de la
ménager et maintient à leur poste la plupart des agents du roi ainsi que les
membres du Parlement, à commencer par son président, le très influent
Philippe de Morvilliers.
Dans les provinces, il refuse les "purges" et laisse en place les
"hommes de terrain" français. Les lois et coutumes du royaume, les
franchises des villes, les privilèges des corporations sont confirmés. En
Normandie, terre conquise de haute lutte par Henry V, si les baillis sont
désormais anglais, Bedford tente d'assouplir ce qui est ressenti, malgré tout,
comme une occupation en réduisant la rançon de Rouen et en mettant un terme
aux expropriations. A Paris, dans toutes les juridictions et administrations, à
l'Hôtel de Ville comme au Châtelet, les partisans de Philippe le Bon tiennent
les rênes. Et le régent, pour ne pas provoquer un conflit avec un allié
imprévisible, maintient en place les Bourguignons. D'autant que l'occupation de
la capitale, assurée par à peine plus de 300 anglais, ne peut être qu'un
leurre.
L'armée, elle, est largement concernée par les changements. Certes, les
troupes soldées n'exigent pour obéir que d'être payées, mais à présent
elles sont toutes commandées par des capitaines anglais. Comme les places
fortes de Normandie, têtes de pont de la reconquête et bases arrière des
forces armées anglaises.
Malgré sa volonté sincère de ménager un royaume déchiré et ruiné par la
Guerre de Cent Ans et le conflit opposant Armagnacs et Bourguignons, Bedford
reste un baron autoritaire et peu apprécié des Français. Son goût pour le
luxe et sa politique fiscale lui aliènent une grande partie de la population,
qui refuse le serment d'allégeance qu'il prétend lui imposer. Cette sourde
résistance fait finalement le jeu du "roi de Bourges", Charles VII.
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