LA REVOLTE D'HUGUES DE LUSIGNAN (1241 - 1242)
Depuis son avènement, Louis IX ne cesse
de s'opposer aux grands féodaux rebelles à son autorité. S'il les a plusieurs
fois contraints à plier, il sait que leur fidélité ne lui est pas encore pleinement
acquise. En 1241, le roi va voir se dresser contre lui le comte de la Marche,
Hugues de Lusignan, poussé à la révolte par son épouse Isabelle d'Angoulême
et à qui Henry III d'Angleterre va s'empresser d'apporter son soutien.
Le roi Henry III d'Angleterre n'a jamais
accepté que la partie continentale de l'empire des Plantagenêts ait été reprise
par Philippe Auguste. Continuant à s'intituler duc de Bretagne, comte d'Anjou
et du Poitou, il fait fi de la souveraineté de Louis IX et ne désespère pas
de pouvoir récupérer les possessions de ses ancêtres. Et c'est dans ce dessein
qu'il va soutenir la révolte du comte de la Marche, Hugues de Lusignan, contre
le roi de France. En 1241, conformément au testament de feu son père Louis
VIII, Louis IX pourvoit en fiefs son frère cadet Alphonse, désormais majeur,
et lui octroie le comté de Poitiers. Après les cérémonies d'adoubement et d'intronisation
qui se déroulent à Saumur, le nouveau comte rejoint sa capitale poitevine, où
ses vassaux doivent lui rendre hommage.
Veuve de Jean Sans Terre, Isabelle d'Angoulême
a épousé Hugues de Lusignan en secondes noces. Mère d'Henry III d'Angleterre,
elle ne supporte pas l'humiliation de reconnaître le frère de Louis IX comme
maître du Poitou, qui, pour elle, fait partie du patrimoine dont son fils aurait
dû hériter de sa grand-mère Aliénor d'Aquitaine. Or, sans doute pour marquer
la solidité du pouvoir capétien face à un des féodaux qui se sont rebellés sous
la régence de Blanche de Castille, Alphonse de Poitiers fait attendre Hugues
de Lusignan trois jours avant de le recevoir. En outre, il ordonne que personne
dans l'assistance ne se lève lorsque son épouse, l'ancienne reine d'Angleterre,
se présentera pour lui faire sa soumission. La fureur de la comtesse Isabelle
augmente encore quand Louis IX décide de confisquer Saint Jean d'Angély et l'Aunis
à son époux. Apprenant que celui-ci a en outre dû offrir l'hospitalité au roi,
elle ne contient plus sa colère : elle fait transférer sa vaisselle et ses meubles
du château de Lusignan à celui d'Angoulême, qui lui appartient en propre. Elle
reproche vertement à son mari de l'avoir trahie en recevant le roi de France
qui l'a si mal traité. "J'ai quitté
pour vous le royaume d'Angleterre où j'étais honorée comme veuve et mère de
roi. Vous ne serez qu'un lâche et un ingrat tout à la fois si vous vous montrez
moins courageux qu'une femme à qui vous avez autant d'obligations qu'un mari
peut avoir à sa femme", déclare-t-elle, selon un
espion à la solde de Blanche de Castille. Et de conclure sa diatribe par un
argument choc : "Jamais plus vous
ne coucherez avec moi"! A la Noël 1241, Hugues
de Lusignan se rend à Poitiers pour signifier au comte Alphonse qu'il lui retire
son hommage et défie son suzerain en incendiant la demeure où il est hébergé.
Après l'échec d'une conciliation, Louis IX concoque le rebelle à sa Cour. Mais
au lieu d'obtempérer, ce dernier organise la résistance en se ralliant nombre
de seigneurs poitevins. Bientôt, la ligue reçoit le renfort des seigneurs gascons,
des communes de Bordeaux, de Bayonne et de Saintes, du roi Jacques 1er d'Aragon
et du comte Raimond VII de Toulouse. L'empereur Frédéric II, jubilant de voir
Louis IX ainsi mis en difficulté, encourage l'entreprise. Quant à Henry III
d'Angleterre, il ne lui reste qu'à trouver un prétexte pour entrer en scène
à son tour et briser la trêve conclue en 1238 avec la France. L'occasion lui
en est fournie quelques jours plus tard, quand Louis IX condamne Hugues de Lusignan
et ses alliés à être dépouillés de leurs domaines. Le 15 mai 1242, l'Anglais
s'embarque à Portsmouth à la tête de 300 chevaliers. Le 20 mai, il prend terre
à Royan, déterminé à engager un combat sans merci contre rival capétien.
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