LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL ET LES PERSONNALITES

 

PHILIPPE DE BEAUMANOIR, POETE ET JURISTE

S'il est méconnu du grand public, Philippe de Beaumanoir est l'une de nos sources les plus précieuses en ce qui concerne l'histoire de la monarchie capétienne, car il a laissé une oeuvre importante et de haute qualité. Ce juriste, conseiller du roi, bailli et fils de bailli, est en même temps poète et romancier.

Beaumanoir inaugure un genre qui sera très français, celui des diplomates écrivains dont les plus connus sont Jean Giraudoux, Paul Claudel et Saint John Perse. C'est en effet au cours d'une longue mission d'ambassade en Ecosse et en Angleterre que le juriste théoricien du pouvoir absolu écrit ses premiers vers, ses premiers poèmes qu'on appelle alors des "chansons".

Au long d'une carrière qui va durer près de quarante ans et le mener aussi bien à Rome qu'à Londres, Beaumanoir composera quelque 16 000 vers. Ses deux plus célèbres romans sont La Manekine (1270) et surtout Jehan de Dammartin et Blonde d'Oxford (1274), un poème qui connaît un tel succès auprès des amateurs raffinés qu'il sera encore imité au XIVème siècle. Ces ouvrages ne circulent alors que sous forme de copies manuscrites, puisque l'imprimerie n'a pas encore été inventée. Comme toute oeuvre, la poésie de Beaumanoir nous dresse, au moins en partie, le portrait de son auteur. Le bailli-poète, qui est aussi un juriste fin connaisseur du droit coutumier du Nord de la France, est un homme charmant. Sa poésie est "pleine de fraîcheur, de vivacité et d'imagination". Beaumanoir apparaît comme un homme de qualité, on pourrait presque dire comme un honnête homme, analyste subtil des mouvements de l'âme, habile à brosser le portrait d'une héroïne et à décrire en quelques vers une situation dramatique ou amoureuse.

Son travail juridique révèle par ailleurs un "esprit original et indépendant", qui sait faire oeuvre de réflexion, de personnalité et de caractère. Si l'on ignore hélas trop de choses sur sa vie personnelle, on suit aisément sa carrière, toute entière vouée au roi Philippe le Bel et à une certaine idée de la monarchie à la française. Un peu à la manière d'un sous préfet qui deviendrait préfet (et moins comme un missi dominici, qui, par définition, n'a pas d'attache géographique) Philippe de Rémi, qui deviendra sire de Beaumanoir, débute comme bailli de Clermont en Beauvaisis. Il reste cinq ans en poste dans sa région. Puis, muté en Saintonge, il est nommé sénéchal. Le titre change mais le travail est le même. Le roi investit alors des fournées de baillis, le cas de Beaumanoir est la règle. Treize baillages changent de main en 1287, dix sept au printemps 1303, juste avant que n'éclate l'affaire des Templiers. Ce sont des techniciens compétents, honnêtes, loyaux que le roi déplace sur son échiquier politique. Face aux communes qui rêvent de liberté, aux seigneurs obsédés de pouvoir, Beaumanoir et ses pairs représentent le roi et incarnent l'efficacité de la monarchie. Beaumanoir ira ensuite en Poitou, puis en Vermandois, à Tours, à Caen, à Senlis, à Paris, à Sens enfin, qui est alors une ville importante dont l'archevêque est le primat des Gaules.

Après vingt deux ans de terrain, Philippe de Beaumanoir est enfin nommé au Conseil du roi, sommet d'une carrière menée sans erreur, dans une fidélité exclusive au souverain auquel il a prêté solennellement serment.
Comme Guillaume de Nogaret et d'autres conseillers plus en vue auprès desquels il siège au Conseil, Beaumanoir est un homme du roi. On ne saurait mieux le définir. Un serviteur de confiance que le souverain dépêche aussi en inspection pour évaluer le travail et l'efficacité des autres. Et régler sans tumulte les conflits locaux avant qu'ils ne dégénèrent. Beaumanoir et ses pairs sont l'avenir de la Couronne. Le bailli est désormais au centre des relations entre le roi et ses sujets. Ce n'est plus le modeste intendant qui gérait "la boutique", vendait le bois et le blé du domaine royal. Il est désormais le moteur du pouvoir. Un personnage d'autant plus essentiel que tous les officiers royaux n'ont pas, en la matière, la vertu de Beaumanoir. Philippe le Bel reçoit un concert de plaintes concernant les indélicatesses de certains de ses administrateurs. Ce qui n'empêche jamais Beaumanoir de finir ses journées en "chansons".

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