LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL ET LES PERSONNALITES
PIERRE FLOTTE, LEGISTE DE PHILIPPE LE BEL
Entré au service de Philippe le Bel en 1291, Pierre Flotte va s'imposer comme un des plus fameux légistes du Capétien. Homme de confiance du roi et négociateur de talent, il sera le premier laïc à se voir confier la charge prestigieuse de Chancelier du royaume.
Pierre Flotte, dont les origines sont mal connues, semble apparenté à une illustre famille noble de Haute Provence. Né dans la province du Velay, dépendant de l'Auvergne, il a fait, sans doute à Montpellier, des études de droit qui le conduiront à devenir l'un des plus fameux légistes de Philippe le Bel. En 1283, il s'installe à Vienne, dans la vallée du Rhône, à la cour du dauphin Humbert 1er de Viennois. Vers 1280, il s'est marié, et en 1291, son beau-père, Pierre Aycelin, l'incite à entrer au service du roi de France, dont il devient chevalier, c'est-à-dire vassal, à la suite d'une concession d'une somme d'argent tenant lieu de fief.
Comme il l'a été auprès du dauphin de Viennois, Pierre
Flotte est l'homme de confiance de Philippe le Bel. Le Capétien l'envoie dans
les provinces afin, en son nom, d'y mener diverses négociations ou de remettre
de l'ordre dans les affaires en tant que commissaire extraordinaire. Dès mai
1291, il est ainsi chargé de mettre à rançon les banquiers et changeurs lombards
de la foire de Beaucaire, qui ont trafiqué pour le compte du pape et des cardinaux.
En 1293, avec Gilles Aycelin, son neveu et archevêque de Narbonne, il prend
possession du comté de Bigorre au nom de la reine Jeanne de Navarre, épouse
de Philippe le Bel. En 1294, il négocie l'alliance du roi d'Aragon contre l'Angleterre.
Cette même année, il reçoit du roi 200 livres de rentes, la terre de Lumigny,
en Seine et Marne, à titre personnel et non héréditaire, et en fief le château
de Ravel, dans le Puy de Dôme.
Ses services reconnus et récompensés, Pierre
Flotte accède en 1295 à la charge prestigieuse de chancelier : pour la première
fois, la chancellerie échoit à un laïc et non à un clerc. Ses nouvelles fonctions
le mènent en Flandre, où le Capétien l'envoie lever des subsides et installer
des gouverneurs dans les grandes villes et les principales places fortes.
A
partir de 1296, il est chargé de relations avec le Saint Siège. En 1297, il
est envoyé à Rome, avec le comte de Saint Pol, pour y obtenir la canonisation
de Louis IX, promise depuis longtemps et toujours retardée. En bon tacticien,
Pierre Flotte entre en contact avec les cardinaux Colonna, ennemis jurés du
pape Boniface VIII, fait mine de les soutenir et, grâce à ce chantage, obtient
la bulle de canonisation tant désirée.
En octobre 1301, l'affaire de Bernard de Saisset, l'évêque
de Pamiers, déclenche un violent conflit entre Philippe le Bel et la papauté
: dans ce contexte, Pierre Flotte, homme habile et audacieux, va jouer un rôle
central et donner toute la mesure de ses talents. Le pape a des mots très durs
pour le légiste du Capétien, qu'il qualifie de "petit
avocat borgne", "d'homme maigre et plein
de fiel, homme qu'on doit croire hérétique". Et ces diatribes ne
sont pas l'expression d'une volonté d'épargner le roi et de tout rejeter sur
une figure secondaire. Non, elles s'expliquent bien par le fait que le chancelier
est un homme-clé du conflit, qu'il contribue d'ailleurs à envenimer par son
caractère passionné et sujet aux emportements en s'élevant contre la prétention
des pontifes de juger des sujets du royaume de France en vertu d'un "droit
de clergie illusoire et tout verbal".
Pierre Flotte ne recule
devant rien pour défendre l'indépendance et le pouvoir du roi de France, et
écrit une lettre véhémente au pape à la place de Philippe le Bel : "Philippe,
par la grâce de Dieu, roi des Français, à Boniface, prétendu pape, peu ou point
de salut. Que votre très grande fatuité sache que nous ne sommes soumis à personne
sur le plan temporel..." Il met tout en oeuvre pour exciter l'amour-propre
patriotique du clergé français et le détacher du Saint Siège, notamment lors
de la réunioin des premiers états généraux du royaume, le 10 avril 1302, ce
qui lui vaut d'être traité de "suppôt de Satan"
par Boniface VIII.
Mais, en Flandre, de graves événements demandent bientôt
toute l'attention du chancelier. Au mois de juin 1302, Pierre Flotte se joint
à l'armée du Capétien, qui part en campagne. Le 11 juillet, à Courtrai, lors
de la désastreuse bataille des Eperons d'Or, il trouve la mort au milieu de
toute la chevalerie du royaume et laisse une veuve et deux fils.
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