LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL ET LES PERSONNALITES

 

LES BANQUIERS BICHE ET MOUCHE AU SERVICE DU ROI

Le Conseil du roi n'accueille pas seulement des légistes; il fait aussi une large place aux financiers. Ainsi du bourgeois parisien Geoffroi Cocatrix, qui veille à la levée de l'impôt et contrôle le commerce des cuirs. Mais son pouvoir n'est rien à côté de celui des banquiers florentins Biche et Mouche qui, à partir de 1290, sont chargés par Philippe IV le Bel de diverses fonctions et missions.

Albizzo et Musciato Guidi Dei Franzesi, connus sous les noms francisés de "Biche" et "Mouche", sont originaires de la cité de San Gimignano, en Toscane. Leur frère Niccolo, les rejoindra en France mais restera toujours en retrait de leur activité publique. Ils sont à la fois marchands et banquiers sur la place de Paris. Hommes inclassables et habiles, ils vont tenir une place importante auprès de Philippe IV le Bel, d'abord en tant que financiers, et, bien qu'ils n'aient aucun titre officiel, assumeront de grandes responsabilités au sein du gouvernement.

Biche et Mouche réussissent à gagner peu à peu la confiance de Philippe le Bel. En contrôlant le service financier, ils développent leur crédit dans un cercle d'intérêts bien rodé : ils prêtent au roi des sommes importantes, qu'ils se remboursent quasiment eux-mêmes en tant que releveurs de l'impôt ou gestionnaires du domaine royal. Ils ont aussi une activité de changeurs et font du "mercantilisme monétaire" en spéculant pour le roi comme pour eux-mêmes sur le marché des monnaies. Enfin, participant au Conseil royal, ils sont parfaitement au courant de la politique du souverain, ce qui ne peut que favoriser leurs affaires.
D'abord valets du roi, Biche et Mouche sont bientôt nommés "chevaliers du roi". A partir de 1290, ils assument à travers le royaume des charges diverses. Ils lèvent le revenu de l'impôt dans le Toulousain et le Rouergue; exploitent les droits du roi sur les foires de Champagne et de Beaucaire; collectent la décime pour le clergé; négocient des emprunts pour le roi; paient les soldes des garnisons des forteresses et des équipages de la flotte. Mouche est par ailleurs chargé de missions diplomatiques dans l'Empire et en Italie. Ils ne peuvent évidemment s'assurer une telle position que parce que, en contrepartie, ils apportent beaucoup au Capétien. Leur principal atout est leur trésorerie, dans laquelle Philippe le Bel, toujours à court d'argent, peut "puiser" pour mener à bien sa politique. Mais leur influence doit également beaucoup à leur connaissance des ressorts financiers, des réseaux noués en Champagne et des dessous de la politique italienne.

Durant l'hiver 1292-1293, les deux tiers des dépenses payées par le Trésor royal le sont par l'intermédiaire de Biche et Mouche. Les Florentins jouent un rôle important dans l'affaire des Templiers et ne sont certainement pas étrangers à la décision de Philippe le Bel de retirer le Trésor royal au Temple en 1295. Les Templiers sont alors rivaux des Lombards sur tous les marchés d'Occident, des rivaux d'autant plus privilégiés qu'ils bénéficient de leur état de religieux sans pour autant être soumis à l'interdiction du commerce de l'argent.

La puissance des deux frères a des conséquences ambiguës pour l'ensemble des banquiers et marchands lombards présents en France. D'un côté, leur domination quasi absolue sur les finances de Philippe le Bel ne laisse pratiquement plus de place à leurs compatriotes originaires de la Péninsule. Ainsi le Placentin Gandoufle d'Arcelles (Gandolfo Degli Arcelli), le plus riche des marchands parisiens, ne joue qu'un rôle de second plan auprès du roi. Mais d'un autre côté, ils obtiennent des privilèges, notamment dans les foires de Champagne, en faveur des Lombards, qui doivent payer un droit d'un denier, une obole et une pite par livre de valeur (soit sept pour mille). En tant qu'intermédiaires, ils gardent un denier sur vingt et un du produit de la taxe, ce qui leur assure encore de beaux bénéfices. C'est surtout à leur mort (ils disparaissent presque simultanément, début 1307) que les Lombards réalisent à quel point ils les ont protégés et que leur pouvoir a été le garant de vingt ans de prospérité et de tranquillité. Et leur situation ne tarde pas à se dégrader : dès 1309, bien que déjà héritier de la fortune de Biche et Mouche, Philippe le Bel va confisquer les biens des marchands lombards.

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