CLOVIS, CHEF DE GUERRE
LA BATAILLE DE TOLBIAC
C'est dans la plaine rhénane, près du petit bourg de Tolbiac, que Francs et Alamans vont s'affronter. Le sort des armes semble de prime abord devoir être favorable aux premiers. Mais les seconds vont recevoir une aide aussi inattendue qu'exceptionnelle celle du "vrai Dieu", du "dieu de Clotilde" que Clovis, en désespoir de cause, a invoqué et appelé à l'aide. La victoire de Tolbiac met un terme aux invasions et aux velléités expansionnistes des Alamans. Elle va surtout inciter Clovis à rendre grâce à ce Dieu qui lui a permis de défaire l'ennemi, avec pour conséquences sa conversion au christianisme et le passage du royaume franc dans le giron de l'Église romaine.
Voilà bientôt quinze ans que
Clovis a succédé à son père, Childéric 1er. Et voilà dix ans que le roi des
Francs a vaincu le dernier représentant de l'empire romain d'Occident en Gaule
du Nord, le médiocre Syagrius. Alors qu'il s'emploie depuis plusieurs années
à étendre sa domination vers le sud-ouest, le jeune souverain va être
détourné de son objectif par l'intervention des Alamans au nord-est des terres
franques.
La fédération des Alamans, car il s'agit bien plutôt d'un amalgame de tribus
disparates que d'un peuple unifié, doit son nom à une expression de vieil haut
allemand, assez significative: alle Mannër, "les hommes de toutes
les origines". Elle est la résultante de l'amalgame et du regroupement
politique de tribus écrasées par les Romains dès le premier siècle : Semnons,
Suèves, Hermundures... Dans le courant du IIIème siècle, elle a profité de
l'abandon du limes (les territoires aux frontières de l'empire) par les troupes
romaines pour envahir la région des "Champs décumates", entre Rhin
et Danube.
Après
de nombreux conflits, plusieurs incursions hostiles jusqu'à Clermont-Ferrand et
quelques tentatives d'alliance avec les vestiges du pouvoir impérial, les
Alamans sont si affaiblis que Stilichon, régent et beau-père d'Honorius,
premier empereur d'Occident, n'hésite pas à retirer toutes les garnisons
romaines du front rhénan.
Lorsqu'ils se
manifestent de nouveau, en cette fin de Vème siècle, sous la pression des
Thuringiens qui les attaquent sur
leur flanc est, les Alamans ont retrouvé force, prospérité et puissance, et
espèrent bien tirer avantage de l'absence de troupes romaines sur le limes.
Ils franchissent une fois de plus le Rhin et commencent à semer la terreur sur
le territoire des Francs rhénans (ou ripuaires). Ces alliés orientaux des
Francs saliens de Clovis sont rapidement débordés par ces agresseurs qui se
livrent à des expéditions ponctuelles avant de s'attaquer de front à l'armée
rhénane à l'ouest de Bonn, près du petit bourg de Zülpich, forteresse
romaine dont le nom latin est Tulpiacum, qui deviendra ultérieurement
Tolbiac.
Dans un premier temps, Clovis se lance avec une habileté consommée dans un
mouvement tournant qui lui permettra de prendre les Alamans à revers. En
franchissant le Rhin au nord du front principal à Julliacum et Colonia
(Cologne), Clovis compte mettre à feu et à sang la région d'origine des
Alamans, et obliger ainsi l'ennemi à se replier pour protéger ses biens et ses
terres. Malheureusement, la débandade de l'armée rhénane provoque un
retournement de situation qui va jouer en la défaveur du roi des Francs
saliens, lequel va devoir rebrousser chemin pour défendre ses arrières.
Engagée à quelques
kilomètres de Tolbiac, la bataille prend dans un premier temps un tour si défavorable
pour les Francs qu'elle "dégénère en un violent
massacre et que l'armée de Clovis est sur le point d'être complètement
exterminée".
Chevauchant au cours de la mêlée, les rois ennemis se font face. En désespoir
de cause, Clovis, constatant que ses dieux ont failli, va se tourner vers
"le Dieu de Clotilde". C'est ainsi que la bataille de Tolbiac va
engager l'avenir de la nation franque.
"O Jésus-Christ que Clotilde proclame fils du Dieu
vivant, Toi qui, dit-on, donne une aide à ceux qui peinent et qui attribue la
victoire à ceux qui espèrent en Toi, je sollicite dévotement la gloire de Ton
assistance. Si Tu m'accordes la victoire sur ces ennemis et si j'expérimente la
vertu miraculeuse que le peuple voué à Ton nom déclare avoir mis à
l'épreuve, je
croirai en Toi et je me ferai baptiser en Ton nom".
Par serment, Clovis vient de faire le premier pas sur la voie de la conversion
au christianisme. Et, par chance, le combat tourne en sa faveur, comme sous
l'impulsion du Dieu invoqué. Le roi des Alamans succombe aux assauts répétés
d'un guerrier armé d'une francisque. Terrifiées, ses troupes se dispersent et
tentent d'échapper aux coups meurtriers des Francs. Finalement, elles se
soumettent et, après leur reddition inconditionnelle, le vainqueur, magnanime,
daigne leur laisser la vie, se contentant de les réduire en esclavage.
Dix ans plus tard, alors que Clovis a tenu sa promesse et s'est fait baptiser,
en 499, la victoire de Vouillé, aussi incontestable que celle de Tolbiac, lui
donnera la suprématie sur l'Aquitaine et
verra la mort du roi des Wisigoths Alaric Il.
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