LES JESUITES SONT BANNIS DU ROYAUME (29
décembre 1594)
A la suite de l'attentat de Jean
Châtel contre Henri IV, le Parlement de Paris prononce, le 29 décembre 1594,
un arrêt d'expulsion du royaume contre les Jésuites, que l'on rend responsables
de ce régicide. Même si l'opinion publique n'est en général guère favorable
à la Compagnie de Jésus, cette mesure renforce l'hostilité des catholiques extrémistes
à l'égard du roi.
Le 25 juillet 1593, le roi s'est converti à la religion
catholique. Sacré à Chartres le 25 février 1594, il n'a pas pour autant convaincu
ses adversaires de sa sincérité, et le pape Clément VIII ne lui a pas accordé
l'absolution. Il se heurte toujours à l'opposition de la Ligue et d'une minorité
de catholiques extrémistes, qui se montrent de plus en plus virulentes.
Paris est inondé des Sermons de la simulée conversion,
qui conspuent le "simulateur" et l'abjuration "sacrilège". De
violents pamphlets leur font écho dans le camp des protestants, notamment la
Satire Ménippée, qui tourne en dérision l'acharnement de la Ligue, sans
entamer la hargne du dernier bastion d'irréductibles, qui y répondent sur le
même ton. Les diatribes ne constituent pas la seule production anti-royaliste
de ces catholiques obstinés : ils sont aussi à l'origine des multiples attentats
dont le roi est victime à cette époque. La fin de l'année 1594 est marquée
par l'entrée d'Henri IV à Paris, une entrée modeste du fait des finances défaillantes
de la ville, malgré un superbe cortège au sein duquel la maîtresse du roi, Gabrielle
d'Estrées, s'exhibe avec une magnificence et une ostentation qui choquent le
public. Le 27 décembre, le Béarnais est agressé, justement au domicile de Gabrielle,
par Jean Châtel, un ancien élève des Jésuites au collège de Clermont. L'enquête
conclut à la responsabilité de l'opposition catholique et en particulier à celle
des Jésuites, soupçonnés à chaque attentat contre le roi d'avoir armé le bras
des meurtriers. Une grande partie de l'opinion parisienne est défavorable
à cette "secte de la Société de Jésus" et critique l'emprise
qu'elle exerce sur les esprits malléables de ses jeunes élèves. Les Jésuites
sont considérés comme des agents de Rome et de l'Espagne, et leur hostilité
à tout essai de conciliation avec les protestants exaspère. La grande bourgeoisie
les abhorre, tout comme les milieux de la justice et de l'Université, notamment
la respectable faculté de théologie de la Sorbonne. Une grande partie de l'épiscopat
ne les porte pas non plus dans son coeur, l'Eglise de France étant traditionnellement
indépendante de Rome. Ils ont déjà fait l'objet d'un procès, en juillet de la
même année. Cependant, pour ne pas contrarier le souverain pontife, dont il
espère obtenir l'absolution, le roi s'est interposé, et l'arrêt rendu le 6 septembre
a ajourné sine die la décision d'expulsion dont il avait été question.
Mais l'acte de Châtel rouvre le débat et, cette fois,
le Parlement ne laisse pas passer l'occasion. Dès la nuit suivant l'attentat,
les trente sept pères du collège de Clermnt sont arrêtés. Deux resteront en détention,
Jean Guéret et Jean Guignard. Le premier a été le maître de philosophie du régicide,
avec qui il est toujours resté en contact. Dans la cellule du second, on a saisi
des textes insultants : le roi y est traité de "Sardanapale", de "Néron",
de "renard du Béarn"; l'auteur suggère qu'on le rase et qu'on l'enferme
dans un couvent... Fait aggravant, nombre de ces écrits sont postérieurs à la
date de l'abjuration. Dès le 29 décembre, Jean Châtel est condamné à mort
et exécuté le jour même. Assuré du soutien de l'opinion publique, le Parlement,
avant que le roi ne puisse réagir et éventuellement s'entremettre, se lance
à l'assaut de la forteresse jésuite. Le jour de l'exécution de Châtel, il prononce
un arrêt d'expulsion ordonnant l'exil à tous les Jésuites de tous les collèges
de France. Dès le 8 janvier 1695, les pères du collège de Clermont quittent
la capitale. Le père Guéret est banni à vie et le père Guignard condamné à la
pendaison, supplice qu'il subit en même temps qu'un vicaire de Saint Nicolas
de Champs, qui a brandi un couteau en menaçant d'essayer à son tour de tuer
le roi. Cette action rapide du Parlement place Henri IV dans une situation
difficile : le 5 janvier, il ne peut faire autrement que de ratifier l'arrêt.
A l'intérieur du royaume, les ultra-catholiques et les ligueurs ne se privent
pas de dénoncer dans l'expulsion des Jésuites une nouvelle duplicité du converti,
déjà maintes fois traité d'hypocrite et d'athéiste. A Rome, ligueurs et envoyés
espagnols harcèlent le pape Clément VIII pour qu'il n'accède pas à la demande
d'absolution royale présentée par le parti français. A cette époque, le roi
se montre fréquemment mélancolique : il souffre d'être en butte à une hostilité
accrue, alors qu'il croyait être sur la voie de la paix et de la réconciliation
civiles et religieuses.
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