LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE, CHEF D'ETAT
UN MARIAGE POUR RECONCILIER DEUX ROYAUMES
(JANVIER - MAI 1200)
Depuis que Jean Sans Terre a succédé à Richard Coeur de Lion en 1199, sa mère, Aliénor d'Aquitaine, tremble pour l'avenir de "l'empire angevin". Sachant son fils peu apte à gouverner et consciente des menées du roi de France Philippe Auguste, la vieille reine va tout entreprendre pour sauver ce qui est en partie son oeuvre. C'est ainsi que Blanche, troisème fille d'Alphonse VIII de Castille, nièce et héritière du roi d'Angleterre, va être fiancée à Louis, héritier du trône de France.
Aliénor d'Aquitaine est sans illusion sur les capacités de son fils à maintenir intact l'immense royaume des Palntegenêt, qui court de l'Ecosse aux Pyrénées. Personnalité veule, Jean Sans Terre n'inspire aucun sentiment loyal à ses barons, alors que le lien féodal est par excellence un lien de fidélité personnel! Malgré tout, obéissant à son devoir de reine et de mère, Aliénor d'Aquitaine met tout en oeuvre pour lui faciliter la tâche. Elle lui trouve des alliés parmi les bourgeois à qui elle a octroyé des chartes de communes, comme à La Rochelle ou à Oléron. Elle prête hommage à son suzerain, le roi de France, le contraignant ainsi à se faire le protecteur du Poitou et de l'Aquitaine. Enfin, et surtout, elle songe à marier l'une des infantes de Castille (ses petites-filles) au fils de Philippe Auguste, Louis de France, futur Louis VIII. Cette union constituerait le gage d'alliance le plus précieux et le plus solide.
Cette alliance entre les deux lignages, le Capétien
et le Plantagenêt, Aliénor d'Aquitaine y songe depuis longtemps.
Mais la guerre incessante que se font les royaumes de France et d'Angleterre
ne lui a pas permis jusqu'ici de concrétiser son projet.
A la mort de Richard Coeur de Lion, en 1199, Philippe Auguste a reçu
l'hommage solennel d'Arthur de Bretagne. Celui-ci s'est entendu avec le sénéchal
d'Anjou, Guillaume des Roches, pour inciter les barons angevins, poitevins et
tourangeaux à se révolter contre Jean Sans terre. Sur le conseil
de sa mère, le roi d'Angleterre s'est allié avec l'Empereur et
le comte de Flandre. En octobre, Philippe Auguste, qui vient de s'emparer d'Evreux,
au coeur de ce duché de Normandie héritage des Plantagenêt,
accorde une trêve à son adversaire.
Ce répit est mis à profit pour organiser le mariage entre les
deux royaumes qui viennent tout juste de rompre provisoirement les hostilités.
C'est que le roi de France est animé par un impérieux désir
de paix. En raison de ses démélés conjugaux, le souverain
pontife Innocent III a jeté l'interdit sur son royaume royal, et il craint
que ses sujets, privés de sacrements et de sépulture chrétienne,
ne se révoltent. A plus longue échéance, il a tout intérêt
à s'entendre avec Alphonse VIII de Castille, qui lorgne sur la Gascogne
au nom de sa femme, fille d'Aliénor d'Aquitaine.
A la Noël 1199, Philippe Auguste rencontre donc Jean Sans Terre près
des Andelys pour discuter du mariage de son fils avec une des filles du Castillan.
Gourmand, il exige une dot de 30 000 marcs d'argent, l'entière châtellenie
de Gisors, Evreux et sa région, ainsi que toutes les places qu'il a conquises
en Normandie.
Pendant ce temps, Aliénor d'Aquitaine, elle, chemine aussi vite que possible
jusqu'en Vieille Castille, à la cour de Palencia, près de Burgos,
afin de ramener l'infante avant la date limite de la conclusion de l'accord,
à savoir le 1er juillet 1200.
C'est Blanche, la dernière de ses petites-filles,
qu'Aliénor choisit pour être la future reine de France. A l'arrivée
du printemps, l'infante prend avec sa grand-mère le chemin de son pays
d'adoption. Après avor fait étape à l'abbaye de Fontevraud,
où Aliénor s'est arrêtée, elle a été
confiée à l'archevêque de Bordeaux, Elie de Malemort. C'est
lui qui est chargé de conduire la princesse en Normandie, où le
mariage doit être célébré.
Le 22 mai 1200, au Goulet, près de Vernon, dans le Vexin normand, Philippe
Auguste et Jean Sans Terre sont de nouveau réunis et concluent un accord.
Un seul des dix neuf articles du traité du Goulet concerne les noces à
venir! Dans l'affaire, le roi de France, fin politique est le grand gagnant.
Il reconnaît Jean Sans Terre comme roi d'Angleterre et, en échange,
reçoit une partie du Vexin normand, sans les Andelys et le comté
d'Evreux. Jean Sans Terre se reconnaît son vassal pour ses fiefs continentaux
et accorde en dot à sa nièce une grande partie du Berry, comprenant
les seigneuries d'Issoudun, de Graçay et de Châteauroux. Les revenus
de ces terres berrichonnes sont attribués à Philippe Auguste,
qui en gardera la suzeraineté jusqu'à sa mort; ensuite seulement,
elles reviendront aux jeunes époux. Enfin, le roi de France s'octroie
la dot de Blanche....
A l'avenir, si Jean Sans Terre meurt sans héritier, Blanche de Castille
peut hériter de ses biens. Aliénor d'Aquitaine a ainsi introduit
au sein de la famille capétienne une femme de son sang susceptible de
sauver les possessions continentales du royaume des Plantagenêt.
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