LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE, CHEF D'ETAT
LA FRANCE SE REVOLTE CONTRE LA "DIME SALADINE"
(MARS 1188)
En mars 1188, les Français apprennent stupéfaits, une fort mauvaise nouvelle : Philippe Auguste vient d'instaurer la "dîme saladine", une taxe exceptionnelle, un impôt écrasant destiné à aider au financement de la troisième croisade et à la reprise de Jérusalem conquise par Saladin. Cette mesure fiscale prise par le roi déclenche une levée de boucliers, un raz-de-marée de protestations. Et les plus révoltés sont les ecclésiastiques.
L'opposition de l'Eglise est immédiate
et formelle. La "Croisade de Dieu" ne se fera pas au détriment des plus pauvres
et des plus faibles parmi les sujets du roi! Le Seigneur lui-même ne le supporterait pas,
clament les prélats. Etienne, abbé de Sainte Geneviève, familier et proche conseiller
de Philippe Auguste, est le premier à crier son indignation. Si fort, qu'il ébranle les
certitudes du roi. Pourtant le souverain a grand besoins de ces subsides pour mettre en
oeuvre cette vaste et onéreuse entreprise que représente une croisade. D'autant plus
que le départ pour la Terre Sainte est devenu urgent.
En effet, le 2 octobre 1187, après un siège de six jours, Jérusalem est retombée aux
mains des Infidèles. Même si le sultan Saladin, son nouveau maître musulman, a laissé
partir les Chrétiens sans trop les malmener, la Ville Sainte doit cependant reprendre sa
place dans le giron de la chrétienté.
Philippe Auguste et Henry II d'Angleterre doivent prendre le commandement de cette troisième
croisade, à laquelle participera également l'empereur germanique Frédéric 1er
Barberousse. Les rois de France et d'Angleterre se sont concertés pour instaurer le
nouvel impôt dans leurs pays respectifs. La "dîme saladine" porte bien son nom
: c'est le lourd tribut à payer afin de chasser définitivement Saladin de la cité la
plus vénérée et la plus vulnérable de Terre Sainte.
Instaurer un impôt spécifique destiné au financement de la croisade n'est pas une idée nouvelle. Déjà, en 1146, Louis VII a été le premier à prendre une telle initiative pour payer les frais de la deuxième croisade. Mais la "dîme saladine", instituée par l'ordonnance de Paris de mars 1188, ressemble davantage à une condamnation à la ruine qu'à une taxe! Philippe Auguste et Henry II ont, dans un premier temps, prévu de prélever 1/120ème des biens meubles et 1/100ème des revenus annuels de la population. Ces chiffres, en l'espace de trois ans, entre 1185 et 1188, (date à laquelle la dîme saladine" entre en vigueur) grimpent jusqu'à 1/10ème des mêmes biens. Tous les vassaux du roi, tant laïcs qu'ecclésiastiques, qui ne prennent pas part à la croisade, devront ainsi verser 10% de leur fortune... ou de leurs maigres ressources. C'est un tollé général! Accablés, les chroniqueurs épiloguent sur les dangers qu'une telle mesure fait courir au pays qui risque fort d'en rester exsangue. Cette "saladine" assassine va rester dans l'Histoire comme une contrainte aussi odieuse qu'inédite.
Philippe Auguste n'apprécie guère les
critiques d'une opposition générale menée par le clergé, qui se rachètera pourtant en
versant 5 000 marcs d'argent. Mais le roi laisse dire... La dîme sur les biens meubles
(terres, propriétés et maisons) commence d'être collectée, sous la direction du comte
de Nevers. L'ambiance générale est pour le moins houleuse. D'autant que les évêques
ont reçu le pouvoir d'excommunier tous ceux qui, ne partant pas pour la croisade,
refusent de s'acquitter de l'impôt. Philippe Auguste a beau souligner le caractère
exceptionnel de la taxe et jurer solennellement que pour l'avenir elle ne fera pas office
de précédent légal, la "dîme saladine" ne passe décidément pas.
Finalement, à l'été 1189, après une année de protestations et de récriminations
véhémentes, le roi finit par céder. Par lettre officielle, envoyée aux commandants des
provinces, Philippe Auguste fait savoir qu'il renonce à la dîme sur les biens meubles
mais que celle sur les revenus annuels est maintenue. Cette ordonnance implique le
remboursement des sommes déjà perçues. On doute qu'il y ait eu réellement restitution,
car aucune trace n'existe... Toutefois, à partir de cette date, la dîme infâme n'est
perçue que dans sa version allégée.
Certains historiens prétendent que Philippe Auguste, en renonçant partiellement à la
"saladine" a provoqué l'appauvrissement de la monarchie capétienne.
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