LES CAROLINGIENS

CHARLES II LE CHAUVE, CHEF D'ETAT

 

LE SERMENT DE STRASBOURG
(842)

Après la mort de leur père, Louis 1er le Pieux, deux de ses fils, Charles le Chauve et Louis le Germanique, en querelle pour lui succéder, décident de s'unir et de s'allier contre Lothaire. Le serment qu'ils se prêtent réciproquement à Strasbourg, le 14 février 842, est, indépendamment de sa portée politique, un grand événement et une innovation. Pour la première fois des princes ne prêtent pas serment en latin mais en langue vulgaire pour être bien compris de leurs hommes.

La mort de Louis 1er le Pieux, en 840, laisse l'empire hérité de Charlemagne dans un flou inquiétant. Trois de ses fils sont alors en guerre. Lothaire l'aîné, estime qu'il est en droit de succéder à son père puisque par l'Ordinatio Imperii, promulgué en 817, c'est à lui que revient la couronne impériale. Couronne du reste que Charlemagne lui a fait parvenir peu de temps avant sa mort. Dès qu'il apprend le décès de son père, Lothaire, qui a été couronné roi d'Italie en 822, envoie dans tout l'empire des messagers annoncer son événement. Dans cette communication aux Grands de l'Empire, il promet de "conserver à chacun les honneurs et bénéfices accordés par son père". Il enjoint également ceux dont il doute à lui prêter serment et à venir à sa rencontre, le plus rapidement possible, sous peine de mort. Malgré cette prompte appropriation du pouvoir, ses deux frères, Louis le Germanique et Charles le Chauve, ne l'entendent pas de cette oreille. Le premier, du même lit que Lothaire, est roi de Germanie. Le second, qui n'a alors que 17 ans, bénéficie du soutien total de sa mère, Judith de Bavière. C'est avec une armée entière que Lothaire entre en Francie et se rend à Aix la Chapelle. Il va devoir faire front contre ses deux frères mais aussi contre son neveu, Pépin II, roi d'Aquitaine. Résolu à vaincre séparément ses trois adversaires, il entreprend de les défaire un par un. Mais la manoeuvre est éventée. Même si pendant quelques mois, Lothaire reçoit les serments de la plupart des Grands de l'empire, ses frères comprennent rapidement qu'il serait pour eux du plus grand bénéfice de s'unir.

Dès le printemps 841, Louis et Charles prennent chacun la tête d'une armée. Le premier marche vers l'Ouest, le second s'avance à sa rencontre en passant la Seine. La jonction des deux armées s'effectue aux environs d'Auxerre. De son côté, Lothaire, auquel un messager vient d'apprendre le ralliement de Pépin II d'Aquitaine, décide de faire route et de rejoindre Auxerre pour y livrer bataille à ses frères. C'est à Fontenay en Puisaye que Lothaire établit son campement. Des envoyés de Louis et Charles lui sont dépêchés afin de l'enjoindre à les écouter et à ne pas bafouer leurs droits. Lothaire fait la sourde oreille. S'en remettant alors au jugement de Dieu, Charles et Louis décident d'engager le combat le 25 juin 841. L'issue du combat est défavorable à Lothaire et ses troupes, défaites, sont mises en débandade. Mais Lothaire, sûr de son bon droit, ne désarme pas et, dans les mois qui suivent, il continue son combat pour obtenir la subordination de ses frères. Cependant, la victoire de Fontenay a conforté ces derniers sur le bien fondé de leur alliance. Les deux vainqueurs décident donc de se prêter solennellement et réciproquement serment.

C'est à Strasbourg que Charles le Chauve et Louis le Germanique se rencontrent donc de nouveau en 842. Le 14 février, tous deux prononcent, devant leur armée respective, un serment d'alliance et de protection mutuelle en deux langues. Charles prête serment en langue germanique afin de se faire comprendre des soldats de son frère. Louis, de son côté et pour les mêmes raisons, prononce son serment en langue romane, préfiguration du Français. Les armées sont appelées elles aussi à jurer, mais elles le font chacune dans leur langue maternelle. Le texte de ce serment, pieusement conservé par l'historien Nithard, petit-fils de Charlemagne et fidèle serviteur de Louis 1er, puis de Charles le Chauve, est le plus ancien témoignage des origines des langues française et allemande qui nous soit parvenu. Ce pacte, par lequel Charles et Louis s'engagent à oeuvrer côte à côte jusqu'à la victoire, ouvre la voie au traité de Verdun, ratifié l'année suivante, par lequel les trois fils de Louis 1er le Pieux mettront officiellement un terme à leurs dissensions et se partageront l'empire carolingien.

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