CHARLEMAGNE, CHEF DE GUERRE
LES SAXONS
(772 - 792)
WIDUKIND ET LES SIENS RESISTENT
Voilà bientôt une dizaine d'années que Charlemagne essaye d'imposer son autorité en Saxe. Mais, face aux rebelles saxons et à leur chef Widukind, ses lieutenants restent impuissants; si bien qu'il va devoir intervenir en personne à plusieurs reprises entre 779 et 782. Pourtant, malgré les exécutions en masse des insoumis, ses nouvelles campagnes outre-Rhin n'auront pas le succès escompté.
Après plusieurs expéditions franques, la Saxe semble soumise et le paganisme y cède du terrain. Partout ce ne sont que serments de fidélité prêtés à Charlemagne, remises d'otages, baptêmes en masse. Les prêtres et les moines accompagnent la campagne de pacification en répandant la doctrine chrétienne et entreprennent de couvrir d'églises tout le territoire saxon.
Ces conversions sont cependant davantage de
circonstances que dictées par une foi sincère. Les populations sont terrorisées
par la redoutable armée de Charlemagne, dont la haute silhouette, à la tête
de ses troupes, est fort impressionnante. Si elles adhèrent massivement au christianisme,
c'est qu'elles espèrent faire cesser les exactions de toutes sortes (massacres,
destructions, pillages) auxquelles se livre l'armée franque.
Il n'est donc
guère surprenant qu'en 778, pendant que Charlemagne combat en Espagne, la Saxe
se rebelle de nouveau. Les insoumis ont à leur tête un chef irréductible, le
seul qui, réfugié chez les Danois, n'a pas assisté l'année précédente à l'assemblée
de Paderborn, où les autres nobles saxons ont fait leur soumission. A son retour
d'Espagne, le roi des Francs doit repartir en guerre et recommencer la pacification,
jamais acquise, de cette terre hostile. Mais il n'est plus question d'une opération
de représailles, ni même d'une campagne ponctuelle : il s'agit désormais de
conquérir et de coloniser la Saxe dans sa totalité. La tâche ne sera pas aisée,
et elle va s'étendre sur sept ans à partir de 779, la difficulté venant des
interruptions hivernales qui remettent régulièrement en cause les victoires
remportées en été.
Parallèlement à l'expédition militaire, les missionnaires
poursuivent leur propre offensive, conduits en Wihmodie par l'Anglo-Saxon Willihad
et en Frise du Nord par Liudger. Charlemagne s'occupe aussi d'organiser l'administration
de ses conquêtes. En 782, à l'assemblée de Lippspringe, il se rallie habilement
les nobles saxons en les plaçant à la tête des comtés qu'il vient de créer.
Depuis le Danemark, où il s'est réfugié
et a reconstitué ses forces, Widukind lance une grande offensive. En s'appuyant
sur le paganisme, qui constitue le ferment des différents peuples saxons, il
parvient à rassembler une armée importante, qui commence par massacrer les prêtres
et les soldats francs, ainsi que les autochtones qui ont collaboré avec l'occupant.
Les églises sont détruites, Willihad et Liudger doivent s'enfuir. Les rebelles
mettent le feu à la forteresse de Paderborn, envahissent la marche de Westphalie
et la Hesse.
Tout est de nouveau à recommencer... Charlemagne ne se décourage
pas paour autant et entreprend de porter un coup fatal à cette résistance en
rassemblant et en envoyant en Saxe une armée gigantesque. Mais la tactique des
Francs est défaillante : ils sont vaincus en voulant attaquer des rebelles retranchés
dans le Süntelbegirge, un massif montagneux qui se dresse au-dessus de la vallée
de la Weser.
Les représailles n'en seront que plus dures. Le souverain en
personne prend les choses en main. Il passe deux hivers en Saxe, profitant de
ces périodes pour installer des camps et des fortins propices aux interventions
rapides. Il fait également appel aux notables locaux auxquels il a confié des
responsabilités : ce sont eux qui dénoncent les partisans de Widukind. Le souverain
se montre impitoyable envers les rebelles qui tombent entre ses mains. A Verden,
il se fait livrer 4 500 insoumis, qui, sur son ordre, sont aussitôt décapités.
Il espère que ces exécutions en masse serviront d'exemple, dissuaderont la résistance
et ruineront l'influence de Widukind. Mais les victimes sont érigées en martyrs
par un peuple fier et obstiné : dès que le terrible roi des Francs quitte la
Saxe pour regagner son royaume, de nouveaux soulèvements se préparent. Il faudra
encore de nombreuses années à Charlemagne pour en venir définitivement à bout.
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