LES MEROVINGIENS

CLOVIS, CHEF D'ETAT

 

LA CEREMONIE DE TOURS

Alors qu'il vient d'écraser les Wisigoths près de Poitiers, Clovis remonte vers le Nord en direction de ses terres d'origine. De passage à Tours, il honore le tombeau de Saint Martin et reçoit les codicilles impériaux lui attribuant le titre de consul. Au sommet de sa gloire, Clovis se couronne alors "Auguste". A la tête d'un royaume qui s'étend du Rhin aux Pyrénées, le souverain franc reçoit de l'empereur d'Orient Anastase la consécration suprême de son autorité et de sa légitimité.

On doit à Grégoire de Tours la description de la cérémonie, qui a cependant été omise par Frédégaire, cet autre chroniqueur de la vie de Clovis. Il n'est cependant guère étonnant que Grégoire, qui sera nommé évêque de Tours quelques soixante dix ans après le triomphe de Clovis, détaille par le menu un moment historique qui met tout particulièrement en valeur la ville dont il a la responsabilité. "Or donc, Clovis reçut de l'empereur Anastase les codicilles du consulat, puis il se rendit dans la basilique du bienheureux Saint Martin, et revêtu de la tunique pourpre et de la chlamyde, il plaça sur sa tête le diadème. Alors, monté sur un cheval, il distribua largement l'or et l'argent... de sa propre main sur les foules rassemblées", raconte Grégoire de Tours.

C'est d'abord en chef de guerre que Clovis arrive à Tours. Il vient de vaincre à Vouillé les Wisigoths d'Alaric. Il a tué, de sa propre lance, le roi ennemi. D'ailleurs les vêtements qu'il porte le rappellent. En effet, la tunique teinte avec la pourpre (un colorant si cher que son emploi est réservé aux vêtements d'exception) ainsi que la chlamyde (sorte de petite cape fendue et maintenue par une agrafe) sont les attributs mêmes que portaient les généraux revenus à Rome pour célébrer la réussite de leurs campagnes. Ainsi fit César, en son temps, après la campagne des Gaules.
Le long cortège qui suit Clovis entre la basilique, située à la périphérie de la cité, et l'église cathédrale, dans l'enceinte de Tours, rejoint également cette tradition empruntée aux Romains, qui veut que le vainqueur fasse profiter la foule rassemblée sur son parcours triomphal des richesses rapportées de l'étranger. En outre, Clovis domine le peuple du haut de sa monture, à l'image des statues équestres qui parsèment le forum de Rome, à l'image, aussi, du dieu germanique Wotan, dominant le champ de bataille du haut d'une monture légendaire à huit pattes.
Anastase, l'empereur d'Orient, ne s'y trompe pas en envoyant à Clovis des codicilles qui lui confèrent le titre de consul. De fait, l'empereur est de longue date à la recherche d'une puissance qui contrebalancerait l'hégémonie des Goths en Europe Occidentale. Et justement, le roi des Francs vient de modifier la situation géopolitique en mettant en échec les Wisigoths, installés en Aquitaine, avec l'aide des Burgondes, auxquels il est allié par son mariage avec Clotilde. Les ambitions de Théodoric, roi des Ostrogoths, qui occupent l'Italie et menacent l'empire d'Anastase, sont ainsi contenues.

Il ne faut pourtant pas exagérer l'importance de la reconnaissance impériale à l'égard du nouvel homme fort des Gaules. Somme toute, le titre de consul est bien modeste en comparaison des titres accordés à d'autres rois barbares. Il permet pourtant à Clovis de se poser en héritier légitime de l'empereur romain d'Occident.
L'originalité de la cérémonie de Tours revient au roi des Francs qui se couronne lui-même du diadème, insigne de la dignité "d'Auguste". D'une part, il marque ainsi son autonomie par rapport au pouvoir romain. D'autre part, en choisissant comme lieu de consécration la basilique où repose Martin, il introduit dans la monarchie un élément religieux, comme s'il tenait en partie sa puissance du saint homme auquel il a confié, pour la première fois, son intention de se convertir. Clovis crée une combinaison novatrice en mêlant la culture romaine classique, pour laquelle le christianisme est religion d'Etat,  et une conception chrétienne du pouvoir, selon laquelle le roi détient un droit à gouverner conféré par l'élection divine.
Fondateur de la dynastie mérovingienne, Clovis est donc dans le même temps le fondateur d'un type original de pouvoir. Il lui reste maintenant à choisir sa capitale.

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