LES MEROVINGIENS

CLOVIS, CHEF D'ETAT

 

LA LOI SALIQUE

A la tête d'un royaume qui s'étend du Rhin, au nord, jusqu'à la Garonne, au sud, Clovis doit désormais établir des règles de gouvernement et légiférer. La loi salique sera l'une des premières mesures prises par le souverain et l'un des principaux instruments de sa justice.

Jusqu'alors, les coutumes des Francs saliens se transmettaient oralement. Rédigée dans les dernières années du règne de Clovis, la loi salique en est le recueil écrit. Le texte primitif sera plusieurs fois remanié. La dernière révision, élaborée sous le règne de Charlemagne, portera le nom de Lex Salica emendata et restera, pour l'essentiel, en vigueur au royaume de France pendant 1 200 ans.
A Paris, où il vient d'installer sa capitale, Clovis charge les grands de son entourage de la mise par écrit des coutumes franques. Parmi les chefs de tribus, quatre élus vont se réunir en public par trois fois. Wisogast, Bodogast, Saligast et Widogast sont d'anciens généraux de l'armée, des gentiles, ces barbares germaniques qui servaient Rome. ils édictent en latin chacun des chapitres législatifs ainsi qu'une exégèse en vieil haut allemand (sans doute en salien) dans un but à la fois mnémotechnique et jurisprudentiel. Cette glose est dite "malbergique" du nom du mallus, le tribunal qui réunit les législateurs.
Chacun des sujets de Clovis peut demander à être jugé selon la loi de son peuple. Ainsi, la loi salique ne concerne que les Francs saliens, et seulement les hommes libres. Dans les années suivantes, Clovis reprendra le Bréviaire d'Alaric, code législatif élaboré par le roi des Wisigoths vaincu à Vouillé en 507, auquel seront soumis ses sujets Gallo-Romains.
La loi salique est une compilation, une succession d'articles qui s'enchaînent les uns après les autres sans suite logique. Pour les deux tiers, elle rassemble des règles de procédure, des titres de droit privé et, surtout, des tarifs de compositions légales, le wergeld, sorte d'indemnité payée à la victime ou à sa famille, destinée à remplacer la vengeance personnelle par une transaction de compensation.
C'est par délégation royale que les "rachimbourgs", exerçant à la fois les fonctions de juge et de juré, et les comtes forment le tribunal devant lequel comparaissent les hommes libres. Les peines prononcées consistent en amendes ou en tarifs de composition qui doivent être versés à la victime ou à sa famille. Celui qui ne peut s'acquitter de cette amende est mis au ban de la société.
Le titre XLI de la loi salique, portant sur le meurtre, prévoit que l'assassinat d'un Gallo-Romain sera puni par une amende de 12 000 deniers. Le meurtre d'un "simple" Romain sera sanctionné par une amende de 4 000 deniers. Il en va différemment si la victime est un barbare. En vertu de la coutume de la faide, devoir de vengeance pratiqué par les barbares, qui engage toute la parentèle de la victime. Ainsi, la mort d'un barbare est non seulement un outrage à l'ordre public représenté par le roi mais lèse en outre la famille de la victime. Celle-ci est alors en droit d'exiger le prix du sang. Les amendes sont donc plus élevées, une part supplémentaire devant revenir à la famille.

La justice émanant de la loi salique repose certes sur l'individu, mais prend également en compte la famille. La vieille tradition de la chenecudra, reprise au titre LVIII, prévoit le cas d'un assassin ne pouvant payer le tarif de composition. Si cette incapacité a été constatée par douze jureurs, le coupable doit ramasser aux quatre coins de sa maison une poignée de terre puis la jeter par-dessus son épaule, de la main gauche, sur son plus proche parent. Ce dernier est dès lors chargé du règlement de l'amende. Mais il peut, à son tour, et par le même procédé, transmettre cette obligation à son plus proche parent. En dernière instance, le fauteur de trouble est reconduit devant le tribunal qui dispose de sa vie.

Si la loi salique traite principalement des atteintes aux personnes, délits fréquents dans une société éminemment guerrière et virile, elle ne néglige pas pour autant la protection des biens mobiliers ou fonciers. Un chapitre entier est consacré à la sauvegarde des troupeaux de porcs, boeufs, chevaux, des moissons et des champs. La maison et le jardin ne sont pas non plus oubliés. En arrière plan, se profile une société paysanne dont les individus ont pour horizon la famille et le bourg où ils passent la majeure partie de leur vie et pour revenu principal la récolte.

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