CLOTAIRE, SA VIE
RADEGONDE : LA REINE DEVENUE SAINTE
Enlevée alors qu'elle n'est encore qu'une enfant, Radegonde la Thuringienne grandit, recluse, dans l'attente d'un mariage qui l'horrifie. Condamnée à partager la couche de Clotaire 1er, le meurtrier de ses parents, la jeune reine assume sa charge avec dignité et grandeur. Après la mort de son frère, sauvagement assassiné par son époux, elle va se réfugier dans la foi et fonder l'abbaye Sainte Croix, à Poitiers, où elle consacrera ses dernières années à Dieu, son seul maître.
Après un mariage
imposé par la force, Radegonde choisit d'assumer son rôle de reine. Clotaire
1er a beau persifler, déclarant qu'il a "épousé
plus une nonne qu'une reine", la princesse thuringienne remplit
bravement ses devoirs à l'égard du peuple franc, pourtant coupable du massacre
des siens.
Dans la ville d'Athis, où elle a été élevée et dont son époux lui a fait
don, la reine Radegonde fait construire un hôpital et se dévoue sans compter
pour les miséreux. Profondément dévote, elle reçoit dignement tous les
ecclésiastiques qui lui rendent visite. Jamais elle ne ménage ses efforts pour
lutter contre les cultes païens. Elle aurait fait brûler un temple impie,
restant jusqu'à la fin de l'incendie abîmée dans une profonde méditation. Il
est pourtant une "obligation" que la reine néglige ostensiblement :
ses devoirs conjugaux. Dès qu'elle le peut, elle s'échappe de la couche royale
pour s'adonner, à même le sol, à la prière.
En 548, la mort de
son neveu Thibert, fils de Thierry 1er, amène Clotaire 1er à prendre pour
épouse la veuve du roi d'Austrasie dans l'espoir de récupérer le royaume du
défunt. Meurtrie par cette nouvelle offense, Radegonde en appelle aux évêques
francs, qui annulent le mariage.
Peu après, Clotaire 1er se voit contraint de mater une rébellion en Thuringe,
patrie de la reine. L'expédition se termine dans un bain de sang. A son retour,
le roi, furieux, abat le frère de Radegonde, coupable de lui avoir demandé le
droit de rejoindre les siens réfugiés à Constantinople. Ecoeurée par tant de
violence, la reine s'empresse de réclamer sa liberté à son bourreau. Contre
toute attente, celui-ci accepte sans rechigner. Mais Radegonde n'est pas dupe et
décide de s'enfuir au plus vite, craignant que son mari ne change d'avis.
Désireuse de se consacrer à Dieu, la reine gagne Noyon pour demander le voile
à Médard, patriarche centenaire respecté de tous et évêque de la ville.
Pénétrant dans la basilique où vient d'être célébrée la messe, elle se
jette au pied de l'autel et implore l'officiant. Médard est doublement pris au
dépourvu lorsque les sbires de Clotaire 1er surgissent dans l'église et,
malgré la sainteté du lieu, le menacent ouvertement.
Radegonde, elle, s'est précipitée dans la sacristie, où elle a enfilé une
robe de moniale. Sa réapparition dans le choeur frappe l'assistance de stupeur.
Médard ne peut que la consacrer diaconesse et la ceindre du voile.
Son voeu le plus
cher enfin réalisé, Radegonde entreprend un long pèlerinage de Tours à
Chinon puis à Candes, avant de gagner sa villa de Saix, aux confins de la
Touraine et du Poitou. Loin de la fureur et des ignominies de Clotaire 1er, elle
transforme son refuge en un hospice qu'elle anime avec ses compagnes tout en
menant une vie ascétique.
Mais Clotaire 1er, tenaillé par le désir de faire rendre raison à son
épouse, part lui aussi pour Tours. Bien que terrorisée, Radegonde clame haut
et fort qu'elle préfère mourir plutôt que de retourner au palais.
De nouveau, elle prend la fuite et se réfugie à Poitiers. Sa seule planche de
salut serait une intervention de Germain, l'évêque de Paris, à qui elle
envoie un émissaire. Le saint homme accourt aussitôt à Tours, où il tente de
faire plier le roi, allant jusqu'à se jeter à ses pieds pour l'implorer
d'accorder pardon, raison et justice à la reine. Attendri, respectueux devant
tant de ferveur, ou tout simplement inquiet à l'idée de se mettre le clergé
à dos, Clotaire 1er cède enfin aux instances de Germain, qu'il prie d'aller
présenter son pardon à Radegonde, assurant que cette dernière recevra les
subsides nécessaires à l'édification d'un monastère à Poitiers.
Tandis que l'hospice de Saix continue à fonctionner sous l'impulsion de ses
anciennes compagnes, Radegonde se consacre activement à sa nouvelle tâche. Le
couvent, qui deviendra plus tard l'abbaye Sainte Croix, sort de terre. Bientôt,
il peut recevoir plus de 200 jeunes femmes, filles du peuple ou princesses,
originaires de toutes les provinces du royaume. L'ancienne reine, peu encline
désormais à l'exercice de l'autorité, fait nommer abbesse Agnès, une jeune
fille qu'elle a elle-même formée.
C'est dans la réclusion la plus grande, mais la plus volontaire, jouissant
enfin de la liberté spirituelle qu'elle a toujours recherchée, que Radegonde
s'éteint paisiblement le 13 août 587.
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