LA COLLABORATION FRANCO-OTTOMANE (1553 - 1558)
Au cours de l'été 1553, la
flotte ottomane soutient un débarquement français en Corse, alors
sous domination génoise. Toutefois, l'entente entre les alliés
n'est pas des meilleures. La collaboration navale franco-ottomane prendra fin
en 1558, sans avoir donné de résultats bien spectaculaires.
Le 9 août 1553, la flotte franco-ottomane
arrive en vue de Porto Ercole, point d'ancrage français en Toscane. Ses
instructions diffèrent de celles de la campagne précédente.
L'objectif n'est plus le royaume de Naples, mais la Corse, aux mains des Génois.
Pour ces derniers, et selon leur chef Andréa Doria, allié de l'Empereur,
l'île est "le frein de l'Italie,
la clé de la Méditerranée".
Henri II en a compris, lui aussi, tout l'intérêt stratégique
en des temps où les marines de guerre ne s'aventurent qu'exceptionnellement
en haute mer. En outre, les vaisseaux français ne disposent plus d'aucun
abri entre Antibes et Porto Ercole, position isolée qui ne tardera d'ailleurs
pas à tomber. Le roi a accepté les propositions de conquête
de l'île faites par Sampiero Della Bastilica, un Corse qui a longtemps
lutté contre Charles Quint dans l'armée française. Célèbre
sous le nom de colonel d'Ornano, il veut se venger de l'aristocratie génoise,
qui l'a chassé de l'île. Selon lui, trois mille ou quatre mille hommes suffiraient
pour s'emparer des places côtières mal défendues, et dix
mille Corses seraient prêts à s'engager sous la bannière française. La
flotte appareille de Toscane pour l'île d'Elbe, qu'elle va enlever au
passage. A bord des vaisseaux s'est embarqué un petit corps d'armée
d'environ quatre mille soldats, commandés par le maréchal Paul de Termes,
ainsi que les bannis de Naples et les partisans corses de Sampiero.
Tandis que les Ottomans assurent le blocus
de la côte orientale de l'île, les Français attaquent la
côte occidentale. Bastia capitule le 22 août, puis sert de base
d'opérations. Mais, le lendemain, l'amiral ottoman Dragut menace de faire
défection au prétexte que des captifs musulmans (des réfugiés
qui auraient été réduits en esclavage) sont retenus à
bord des galères françaises. L'avertissement est sérieux,
et l'entente entre les alliés n'est pas des meilleures. Après
la chute de Bonifacio, quelques jours plus tard, le corsaire exige trente mille écus
pour prix de la rançon des habitants et s'en retourne au Levant. Toutefois,
la Corse est peu à peu conquise. Les garnisons françaises sont
renforcées grâce à des troupes venues de Marseille. Mais
Andréa Doria considère le contrôle de la Corse comme vital
pour la navigation génoise. Il obtient le soutien de Charles Quint et
intervient à l'automne. La situation est renversée. Fin 1553,
les Français ne tiennent plus que Bonifacio, qui, selon le maréchal
Pierre Strozzi, vaut "plus que tout
le demeurant ensemble". Au cours de la campagne
de 1554, Dragut refuse de prêter main forte aux Français. Soliman,
alors occupé en Perse, a d'autres chats à fouetter. Cette dérobade
entraîne la disgrâce du baron de La Grace, qu'Henri II tiendra pour
responsable. En réalité, le corsaire ottoman, n'ayant pu piller
les côtes du royaume de Naples, est mécontent de la campagne de
1553, qui ne lui a rapporté que de bien maigres profits.
En 1555, Henri II envoie le baron de Saint
Blancard avec quatre galères pour convaincre Piali Pacha, le nouveau
commandant de la marine ottomane, de rejoindre la flotte royale à Porto
Ercole. Soliman, en paix avec le sofi de Perse, dépêche une escadre
au secours des Français en Corse. L'assaut contre Calvi, le 10 août,
se solde par une défaite. Piali Pacha accepte d'aller attaquer Bastia,
mais refuse d'y débarquer ses hommes. Après l'échec de
cette opération, le 23 août, l'amiral ottoman donne l'ordre du
retour. Le 15 février 1556, la trêve de Vaucelles, signée
par Henri II et Charles Quint, met fin aux opérations en Corse. Soliman
se plaindra de ce que son allié ne l'ait pas averti de cet accord avec
leur ennemi commun. Après la rupture de la trêve, Soliman exclut
de reprendre les opérations aux côtés des Français.
Ceux-ci se voient donc contraints de renoncer à une intervention des
Ottomans en Italie lors de la campagne de 1557. La dernière campagne
commune sera celle de 1558. Le 14 avril 1558, cent dix galères appareillent
de Constantinople, sous le commandement de Piali Pacha, pour la Méditerranée
occidentale. Le 14 juillet, après avoir pillé les Baléares,
les Ottomans sont devant Marseille. Mais le capitan-pacha refuse de dresser
un plan de campagne, malgré les ordres de Soliman le Magnifique. Il refuse
d'attaquer Bastia et Porto Ercole, retombé en 1555 aux mains des Espagnols.
Il reprend la route de l'Orient, escorté par la flotte du génois
Andréa Doria, ce qui a tout l'air d'une trahison. De retour à
Constantinople, il sera destitué à la demande de l'ambassadeur
de France. C'est sur ce pénible épisode que se termine la collaboration
militaire franco-ottomane.
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