LA VENTE DE LA CORSE A LA FRANCE (15
mai 1768)
Le 15 mai 1768, par le traité de Versailles,
entérinant la convention de Compiègne signée quatre ans plus tôt, la république
de Gênes cède à la France ses droits sur la Corse. Les habitants de l'île, qui
n'ont même pas été consultés, entrent en lutte pour préserver leur indépendance.
Malgré leur détermination, ils devront plier devant les troupes du corps expéditionnaire
français. Et la réunion de la Corse à la France se fera juste à temps pour que,
le 15 août 1769, un certain Napoléon Bonaparte ne naisse ni Gênois ni Corse
mais sujet de Louis XV.
Depuis le XIIIème siècle, la Corse est assujettie
à la république de Gênes. A maintes reprises, la France a tenté de s'emparer
de l'île, la quatrième de Méditerranée. Jusqu'à ce que, en 1559, par le traité
de Cateau Cambrésis, elle ait dû la reconnaître possession des Gênois. Quant
aux Corses, attachés à leur indépendance, ils n'ont cessé de se révolter. En
1755, ils se soulèvent une fois de plus. En juillet, les rebelles désignent
un général en chef, Pasquale Paoli, qui se rend maître de tout l'intérieur de
l'île et met sur pied un gouvernement autonome. En novembre, celui-ci fait voter
une constitution démocratique par la Consulte, l'assemblée locale élue
au suffrage universel, qui élabore les lois, contrôle l'administration, le budget
et l'armée. Un Conseil d'Etat est formé, réunissant neuf membres et présidé
par Paoli. Le nouveau "chef de l'Etat" corse mène une politique de
progrès, fonde une université ouverte aux boursiers, fait construire des routes
et assainir les marécages. Calvi étant aux mains des Gênois, il crée le port
de l'Ile Rousse, d'où les navires arborant le pavillon orné d'une tête de More,
peuvent commercer avec les pays méditerranéens. En France, les réformes et
les initiatives de Pasquale Paoli ne suscitent pas simplement l'étonnement;
leur audace soulève l'approbation, voire l'enthousiasme, des grands philosophes
des Lumières que sont Voltaire et Jean Jacques Rousseau; ce dernier a même été
consulté à propos de la nouvelle législation dont la Corse songe à se doter.
Face à cette virulente opposition, les Gênois,
qui ne sont plus maîtres que du seul littoral, finissent par renoncer à dompter
des rebelles aussi déterminés que turbulents. En négociant avec la France, qui
brigue toujours la Corse, ils espèrent se débarrasser à bon compte d'un problème
épineux qui mobilise constamment leurs troupes et leur coûte fort cher. Par
la convention de Compiègne signée en 1764, puis par le traité de Versailles,
conclu le 15 mai 1768, Gênes cède à la France ses droits sur la Corse. Moyennant
le versement annuel de subsides, elle autorise les Français à installer des
garnisons dans les citadelles de Calvi, d'Ajaccio et de Saint Laurent. Tout
en reconnaissant que l'autorité des Génois est légitime, le Gouvernement de
Louis XV, représenté par le duc de Choiseul, secrétaire d'Etat aux Affaires
Etrangères qui détient aussi les portefeuilles de la Guerre et de la Marine,
s'engage à pacifier l'île. Il est en outre stipulé que la France ne gardera
la Corse qu'au cas où, à l'expiration d'un délai de dix ans, Gênes n'aura pu
rembourser les sommes investies par le Gouvernement de Sa Majesté; et il est
fort douteux qu'elle en ait les moyens...
Les Corses n'ont nullement été consultés,
et Pasquale Paoli, qui a demandé à négocier directement avec Louis XV, a été
éconduit. Ils sont donc déterminés à lutter farouchement contre le nouveau maître
qui leur a été imposé. La prise de possession de l'île ne se fait pas sans difficulté,
et la France se heurte à une forte résistance. Aux vingt cinq
mille hommes du corps expéditionnaire
commandés par le comte de Vaux, Pasquale Paoli ne peut opposer que deux régiments
et les milices des communes dont il a pris le contrôle. Pourtant, c'est seulement
au bout d'un an de combats acharnés et sanglants que l'artillerie française
finit par avoir raison de la ténacité des Corses, définitivement défaits à Pontenuovo
le 9 mai 1769. Tandis que Voltaire s'apitoie sur le sort de l'île et s'enflamme
pour sa résistance en affirmant qu'on "ne
voit de telles actions que chez les peuples libres",
la Corse est rattaché à la France et son administration est confiée au général
Marbeuf. Toutefois, elle jouit d'un statut différent de celui des provinces
du royaume, qui respecte ses particularismes et lui accorde une certaine autonomie...
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