LES CAPETIENS
LOUIS VII LE JEUNE, SA VIE
Aliénor d'Aquitaine

 

ALIENOR UNE REINE CONVOITEE

Petite-fille du célèbre prince troubadour Guillaume d'Aquitaine, Aliénor ne pouvait qu'avoir une lourde hérédité. A la tête du plus beau duché d'Occident, Aliénor est déjà femme quand son père, le duc d'Aquitaine, mourant, la place sous la protection du roi de France, Louis VI. Elle épousera son fils, le futur Louis VII connu pour avoir été le prince le plus ennuyeux de son temps. C'est le couple le plus mal assorti qu'on puisse imaginer. Tous les hommes sont amoureux d'elle, sauf son époux qui a des allures et des moeurs de moine.

Aliénor va successivement épouser deux rois, leur donner dix enfants, régner par fils interposé sur le plus florissant royaume d'Europe : l'Angleterre des Plantagenêts, encore plus riche sur le continent que sur l'île. Elle va enflammer tous les coeurs avant de finir pieusement une longue vie de quatre vingt ans au monastère de Fontrevault. Cela ne suffit pas à la considérer comme la Méssaline décrite complaisamment par ces chroniqueurs du XIIIéme siècle qui, sans l'avoir connue, ont pris des évidences de caractère pour des preuves de comportement. Elle est belle, intelligente, vive, aussi douée pour la poésie que pour les bons mots. Elle fait la mode, a des allures de femme libre, ce qui ne constitue pas la preuve d'éventuels débordements. Dès qu'elle nomme un chevalier comme le beau Geoffroy de Rancon à la garde d'un château, ou qu'elle s'attache les services de Saldebreuil qui ne la quitte guère, on les imagine dans le lit de la reine alors que le roi Louis VII se consume en dévotions. Plus riche, plus puissante que son mari en terme féodal, elle est maîtresse d'immenses domaines qui vont de la Loire à l'Adour et nomme qui elle veut. Et si tous les grands seigneurs veulent l'épouser ce n'est pas seulement à cause de ses charmes ou de sa sensibilité enjouée, mais de son héritage. Il est vrai qu'elle va séduire le jeune Henri II Plantagenêt qui a dix ans de moins qu'elle, alors qu'elle est reine de France, mais le roi est si peu amant.

Tous les poètes chantent sa gloire et s'accordent pour dire qu'elle est d'une beauté qui surpasse tout. Elle correspond à l'idéal féminin du temps : "gentil corps, yeux verts, beau front, clair visage, cheveux blonds, figure riante et claire". D'autres poètes précisent : "cheveux plus blonds que dorés, nez droit, couleur de rose et de lys, bouche vermeille et suave, cou blanc nullement hâlé, gorge qui de blancheur rayonne". A l'âge de quatorze ans, on sait qu'Aliénor a le teint de lys et la gorge de neige et les attaches si fines qu'elle invente de nouvelles robes dont les longues manches traînent jusqu'à terre mais qui s'ouvrent pour dégager l'avant-bras gainé de satin clair.

Le premier qui chante avec tant de précision ses beautés fatales est un enfant perdu Marcabru que Guillaume, le grand-père de la jeune femme, avait recueilli à sa cour. Il avait connu Aliénor tout enfant et vu s'affirmer ses charmes. Mais il est si éloquent que le roi de France doit le chasser. Il ne peut comprendre, le triste souverain, qu'un poète est forcément amoureux de la Dame qu'il célèbre en strophes enflammées, ce qui ne signifie nullement qu'il soit son amant. Marcabru chassé, les autres occupent la place littéraire et font d'Aliénor la femme la plus adulée de son temps. Souvent, elle répond à ses soupirants qui sont en train d'inventer une nouvelle forme d'Amour qui va si bien au teint des dames. Aliénor tient évidemment de son grand-père Guillaume, le plus grand poète de son temps, et aussi le plus gaillard. On a forcément pensé, puis écrit, que l'héritière d'un tel paillard, coureur de femmes, ne saurait être sage. A bien des égards, Aliénor sera la version féminine de ce perpétuel amoureux.
Ayant tous les dons, Guillaume puis Aliénor se croyaient tous les droits. Elle en a usé mais probablement pas abusé. Quand le roi de France demandera le divorce, ce ne sera pas pour adultère mais parce qu'ils étaient cousins. Mais en secondes noces, Aliénor fera un mariage d'amour.

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