LES CAPETIENS
LOUIS VII LE JEUNE, SA VIE
LE SACRE DE LOUIS VII
Le 13 octobre 1131, Philippe, le fils aîné du roi Louis VI, sacré et associé au trône quelques deux ans plus tôt, meurt prématurément à l'âge de quinze ans. Sa disparition endeuille la Cour de France et projette brutalement sur le devant de la scène son cadet, hier encore destiné à être clerc. Louis le Jeune a tout juste onze ans lorsqu'il s'apprête à être sacré à son tour, le 25 octobre, huit jours après la mort de son frère.
Moins de trois jours après les funérailles
de Philippe, Louis VI le Gros et son entourage prennent le chemin de Reims.
La ville où l'on sacre les rois Francs accueille pour l'heure une grande assemblée
conciliaire, présidée par le pape Innocent II et réunissant 13 archevêques et
260 évêques venus de toute la Chrétienté. Dès leur arrivée, le roi et la reine
Adélaïde font connaître aux prélats leur souhait de voir leur fils Louis couronné
au plus vite.
Pourquoi si vite? Il est de tradition depuis toujours dans
la famille royale capétienne, de même que pour les lignages carolingiens et
ottoniens deux siècles plus tôt, que le roi régnant désigne son successeur en
la personne de l'aîné de ses fils et le propose à l'acclamation des grands.
Une précaution évitant que l'aristocratie ne vienne par trop s'imiscer dans
le choix du monarque et assure en même temps au royaume une succession à peu
près paisible. Car, tout en respectant le principe dynastique, les grands peuvent
fort bien s'appuyer sur la pluralité d'héritiers pour prétendre exercer un contrôle
sur la dévolution du trône au sein du lignage capétien, ce qu'ils ont tenté
de faire par le passé.
L'état de santé du vieux roi compte sans doute
beaucoup dans la décision dé régler promptement la succession. N'écartant pas
l'éventualité de sa disparition prochaine, ses proches redoutent d'autant plus
une vacance du trône que le climat politique n'est pas bon. Un conflit larvé
oppose Louis VI au plus puissant de ses vassaux, le duc de Normandie et roi
d'Angleterre Henri 1er Beauclerc, fils de Guillaume le Conquérant. Un autre
grand seigneur, le comte Thibaud de Blois Champagne, se montre depuis toujours
un adversaire acharné du capétien, suscitant des révoltes jusqu'au coeur du
domaine royal. Il faut donc sacrer au plus vite le nouvel héritier du trône.
Après
s'être prosterné, Louis VI prend place à côté du pape et "lui parle avec
douleur" de son fils disparu. Innocent II le console, l'assurant que Philippe,
enfant innocent et simple, a atteint la Jérusalem céleste. Il prononce l'absoute
pour le défunt et ordonne ensuite aux membres du concile de revenir le lendemain
"en vêtements de fête" pour assister au sacre du jeune Louis.
Le
dimanche 25 octobre, le souverain pontife se rend en procesion à l'abbaye Saint
Rémi, où l'attend le futur roi. Puis, il l'escorte jusqu'à la cathédrale, où
sont assemblés Louis VI, sa suite et les membres du concile.
"Ils entrèrent
dans l'église, présentèrent l'enfant devant l'autel, et le seigneur pape le
consacra au moyen de l'huile par laquelle Saint Rémi, l'ayant reçue d'une main
angélique, avait jadis baptisé le roi des Francs Clovis",
rapporte la chronique.
L'onction par le saint chrême fait du roi
l'élu de Dieu et attire sur lui ces dons de l'Esprit Saint que sont les vertus
de sagesse et de force. Après quoi, on revêt le jeune Louis des ornements royaux
: l'anneau, gage et signe d'alliance avec son peuple; l'épée, symbole du combat
qu'il doit mener contre les ennemis de la vraie foi; la couronne, signe de la
puissance et de la majesté royale; le sceptre et la main de justice, lui rappelant
qu'il a pour mission de défendre les églises et les pauvres.
La présence
d'un pape au sacre d'un roi franc est un événement rarissime, puisque le dernier
exemple remonte aux temps carolingiens. Mais le fait que ce pape officie devant
une assemblée de prélats venus de toute la Chrétienté n'a pas de précédent et
ne peut qu'accréditer l'incomparable prestige de la dynastie capétienne, ce
que ne manquent pas de mettre en avant tous les récits de la cérémonie.
Au
lendemain du sacre, il reste à Louis VI un peu moins de six ans à vivre. Bien
que le jeune Louis apparaisse fréquemment au côté de son père, sa participation
n'est que de pure forme. Jusqu'à sa mort, le vieux roi va exercer un pouvoir
sans partage et se contentera d'initier son héritier au métier de gouverner
les hommes. Et c'est seulement le 1er août 1137, jour où Louis VI rend son âme
à Dieu, que son fils, qui vient d'épouser à Bordeaux Aliénor d'Aquitaine, va
devenir Louis VII et prendre possession du royaume de France.
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