LES CAPETIENS
LOUIS IX,
CHEF DE GUERRE
Montségur
LE BUCHER DE MONTSEGUR
(16 mars 1244)
Après dix mois de siège, la garnison du château de Montségur se rend aux croisés. Quinze jours plus tard, s'allume le dernier grand bûcher, réduisant en fumée les ultimes espoirs de résistance organisée de l'Église cathare en Languedoc.
En ce 16 mars 1244,
un cortège silencieux quitte le château de Montségur. Enchaînés, pressés
par les soldats français, les quelque 200 parfaits qui ont refusé de renier
leur foi marchent sur le minuscule sentier qui descend du "pog". Au
loin, se profile l'ombre
menaçante de la gigantesque palissade de bois au centre de laquelle les
croisés finissent d'entasser des fagots et de la paille. "L'évêque"
cathare de Toulouse, Bertrand Marty, ouvre la marche. Lentement, les condamnés
"montent" au bûcher. Alors que les blessés sont précipités
brutalement par les sergents français, les autres tentent de les soutenir et
les aident à rester dignes. On se dit adieu, en se donnant rendez-vous dans la
paix du Père...
Et puis, des torches enflammées sont jetées sur le bûcher. Du château, où
sont restés la garnison épargnée et ceux, fort rares, qui ont renié la foi
cathare, on perçoit le rougeoiement et le grondement des flammes. On entend
aussi les chants, puis les cris des suppliciés. A mesure que la fumée
s'épaissit, le silence tombe, et bientôt recouvre la montagne telle une chape
de plomb.
Le siège a été
long. Les Français ont d'abord pensé qu'un simple blocus viendrait à bout du
château, isolé sur son piton culminant à plus de 1 200 mètres. C'était sans
compter sur les sympathisants des cathares, qui n'ont pas craint de braver les
dangers de la montagne pour ravitailler les
assiégés. A l'approche de
l'hiver, les croisés sont passés à l'offensive. Gagnant peu à peu du
terrain, ils sont parvenus au pied des remparts. Le pilonnage incessant de la
pierrière, la faim, le froid, le nombre toujours plus grand de blessés, la
lassitude, la crainte d'être massacrés, comme les habitants de Béziers, ont
poussé les assiégés à négocier leur reddition.
Après de rapides négociations, on a accordé la vie sauve à la garnison et le
pardon à tous... Chacun peut quitter Montségur, libre, y compris les
hérétiques, pourvu qu'ils abjurent. Les croisés se sont saisi d'otages afin
d'ôter aux vaincus toute tentation de reprendre la résistance. Ces derniers
ont un délai de quinze jours pour prendre leur décision : abjurer ou mourir.
Pour les quelque 200 parfaits
de Montségur, il n'est pas question de renier la religion qu'ils prêchent
depuis des années et pour laquelle ils ont maintes fois risqué leur vie. Sous
la conduite de l'évêque Bertrand Marty, ils se préparent à la mort et
offrent leurs maigres richesses à ceux qui les ont défendus. Avec ces biens,
aussi dérisoires que des épices, de l'huile ou des étoffes, les survivants de
Montségur conserveront dans leur exil ces reliques de leurs martyrs.
Parmi les 300 autres personnes présentes dans le château, une vingtaine a
choisi de recevoir le consolamentum. Ainsi, une dizaine de gens d'armes et
autant de femmes, dont l'épouse du seigneur de Montségur, en devenant
parfaits, se condamnent au nom de leur foi à la mort par le feu. Le 16 mars, la
trêve expirée, les autorités ecclésiastiques, menées par l'évêque d'Albi,
se présentent aux portes du château. Les parfaits s'avancent d'eux-mêmes.
Après les exhortations des inquisiteurs qui leur demandent une dernière fois
d'abjurer, ils se laissent enchaîner en une funèbre procession.
Le feu brûle toute la nuit. En bas du "pog", dans le champ qu'on nommera désormais "le prat des cramats", l'aube point sur les dernières braises du bûcher. Depuis le château, on n'a rien manqué du spectacle. Conformément aux clauses du traité, les survivants sont libres de partir et doivent remettre la forteresse de Montségur aux mains des croisés. Alors on s'active, on rassemble ses affaires et bientôt, les derniers combattants de la cause cathare quittent l'ombre protectrice des remparts, empruntent à leur tour les sentiers tortueux vers la plaine. Au camp français, l'agitation est telle que c'est à peine si on leur accorde un regard. Les croisés plient bagages, heureux de pouvoir enfin quitter ce pays inhospitalier.
Les rescapés du siège de Montségur finissent par se séparer. Nombreux sont ceux qui retournent à une vie paisible. D'autres, toujours sympathisants de la cause cathare, rejoignent quelque communauté établie en Catalogne ou en Lombardie. Mais, la résistance organisée de l'Église des Bonshommes est morte, brûlée à Montségur. Un dernier château, tenu par une poignée de rebelles, tombera, en 1255. Dès lors, la survivance du catharisme sera le fait de quelques individus, parfaits et croyants, contraints à l'exil ou à la clandestinité. La religion, en Languedoc, s'altèrera au cours du temps, pour finir avec le dernier parfait condamné au bûcher, en 1321.
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