DE DAGOBERT 1ER A THIERRY III : DAGOBERT 1ER
SAINT OUEN, EVEQUE DE ROUEN
A l'instar de Saint Eloi, dont il a été le disciple et l'ami, Dadon, le futur Saint Ouen, est un de ces hommes de Cour, un de ces hauts fonctionnaires qui ont renoncé à une brillante carrière pour se consacrer au service de Dieu. Référendaire et conseiller de Dagobert 1er, fait évêque de Rouen en 641, il a exercé jusqu'à sa mort une grande autorité morale et spirituelle.
Celui qui deviendra Saint Ouen, mais qui à l'origine porte le prénom germain de Dadon, naît à Sancy vers l'an 600, au sein d'une riche famille de l'aristocratie franque. Son père, Authaire, et sa mère, Aiga, possèdent de vastes domaines dans les régions de Soissons, du Petit et du Grand Morin. Dadon a deux frères, Adon et Radon. Comme eux, il reçoit unne éducation soignée, typique des grandes familles, un savant mélange de culture classique romaine, d'éducation chrétienne et de formation aux us et coutumes franques. Adolescent, il est envoyé à la Cour pour y parfaire ses connaissances et s'y frotter avec ses pairs. Parmi les nombreux jeunes nobles qui gravitent dans l'entourage du roi Clotaire II et qui sont devenus les commensaux de son fils, le futur Dagobert 1er, les plus brillants seront élevés à de hautes fonctions administratives ou religieuses. C'est là que Dadon se lie d'amitié avec Didier, le futur évêque de Cahors, Paul, qui deviendra évêque de Verdun, Faron, qui prêchera à Meaux, et surtout Eloi, alors trésorier du royaume. A l'école du palais et au sein de l'administration royale, le jeune homme apprend le latin, se familiarise avec les subtilités des droits romain et coutumier. En 629, Dagobert 1er, qui vient de succéder à Clotaire II, le nomme référendaire, une charge consistant à rédiger et publier les diplômes royaux et à apposer les sceaux au bas des actes royaux.
Malgré cette magnifique réussite, Dadon
ressent un profond manque spirituel. Il se remémore souvent sa rencontre
alors qu'il était enfant, avec le fougueux Colomban, le moine d'origine
irlandaise qui a redonné vie au monachisme en France et en Italie. Cette
rencontre a également ému et marqué ses frères;
ainsi Adon s'est consacré à la religion et a fondé le monastère
de Jouarre, près de Meaux. Vers 634, suivant cet exemple fraternel, Dadon
fonde l'abbaye de Rebais, dans la vallée du Grand Morin, dont il rédige
les diplômes garantissant les privilèges royaux. Tout en accordant
temps et attention à ses tâches de haut fonctionnaire, il veille
au destin du prestigieux monastère de Luxeuil, fondé par Saint
Colomban.
Mais ces "bonnes oeuvres" ne sont que peu de choses.
Et un engagement bien léger et bien insuffisant aux yeux de ce brillant
administrateur qui, sous ses vêtements somptueux, porte par pénitence
le rugueux cilice et cercle ses bras de bracelets de fer. La piété
de Dadon, sa familiarité avec le christianisme sont reconnues de tous.
Au point que le prince breton Judicaël préfère souper modestement
chez cet homme de foi plutôt que de profiter des largesses de la table
royale...
En 639, Clovis II succède à Dagobert 1er. L'année
suivante, le bon peuple de Rouen invite Dadon à prendre la succession
de Romain, son évêque défunt. Avec la bénédiction
du nouveau roi, Dadon va pouvoir désormais pleinement servir Dieu. Sous
le nom d'Ouen, il a la joie d'être consacré en 641 en même
temps que son ami Eloi, nommé au siège épiscopal de Noyon.
L'évêque de Rouen a sous son autorité le plus vaste diocèse
de la Gaule du Nord, dont l'influence s'étend jusqu'à Bayeux,
Avranches, Evreux, Sées, Lisieux et Coutances.
Installé dans ses nouvelles fonctions après
un "apprentissage" auprès de l'évêque de Mâcon,
il entreprend d'évangéliser les derniers païens de Normandie,
contribue au développement du monachisme local et favorise la création
de multiples abbayes, en particulier pour les femmes. Chaque fois, sa connaissance
des arcanes de la Cour lui permet d'obtenir d'importants privilèges pour
les nouvelles fondations. Son autorité morale lui permet également
de laisser sa marque dans les débats théologiques de son temps.
Il condamne vivement la simonie (l'achat et la vente des charges ecclésiastiques)
et, inspiré par la spiritualité irlandaise de Colomban, introduit,
lors du concile de Chalon sur Saône en 664, la notion de pénitence
privée et la confession régulière des fidèles.
Si
les souverains mérovingiens, notamment la reine-régente Nanthilde,
lui demandent fréquemment conseil et lui confient nombre de missions
diplomatiques, il semble qu'à partir de 664, Ouen se soit retiré
à peu près complètement de la vie politique, au moment
où Ebroïn, devenu maire du palais de Neustrie, s'emploie à
renouveler les élites au pouvoir. Après un voyage sur le tombeau
des Apôtres, à Rome, vers 670, l'évêque de Rouen est
appelé une dernière fois à la rescousse à Cologne
pour négocier la paix entre l'Austrasie et la Neustrie. Cette ultime
mission accomplie avec succès, il se retire dans sa villa de Clichy,
aux portes de Paris, où il s'éteint en 684. Il sera inhumé
à Rouen, dans l'abbaye Saint Pierre, qu'il a fait édifier et qui
sera rebaptisée de son nom.
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