PILATRE DE ROZIER, LE PREMIER HOMME VOLANT
Alors
que Louis XVI et ses contemporains suivent avec passion les débuts de l'aérostation,
le Lorrain Jean François Pilâtre de Rozier est le premier à réaliser le rêve
d'Icare. Le 21 novembre 1783, à bord d'un ballon à air chaud construit par Etienne
de Montgolfier, il décolle du château de la Muette et survole Paris pendant
vingt cinq minutes.
Né le 30 mars 1754 à Metz, Jean François Pilâtre de Rozier
s'est installé en 1774 à Paris, où, grâce à la protection de Thirion, l'un des
apothicaires de Louis XVI, il a ouvert un cours de physique. Quatre ans plus
tard, il a hérité du cabinet de physique de son bienfaiteur, situé dans le quartier
du Marais, et l'a transformé en établissement scientifique de l'Athénée royal,
également appelé "musée de Monsieur". Le Lorrain a pour amis l'américain
Benjamin Franklin, le chimiste français Antoine Lavoisier, les frères Joseph
et Etienne de Montgolfier, savants avec qui il rivalise d'imagination. Pour
briller à la Cour, il met au point ce qui deviendra le "masque à gaz"
et les premières allumettes. Dans son "musée", il effraie et fascine
les visiteurs en inhalant de l'hydrogène, qu'il expire ensuite en l'enflammant.
En cette fin du XVIIIème siècle, les découvertes scientifiques
sont à la mode. Comme le roi, Pilâtre de Rozier suit avec passion les premières
expériences d'aérostation des frères de Montgolfier. Après la démonstration
du 19 septembre 1783, durant laquelle un mouton, un coq et un canard ont survolé
le château de Versailles, et ont atterri indemnes!, il se met en tête de réaliser
le rêve d'Icare. Soutenu par le marquis François d'Arlandes, il obtient du prudent
Louis XVI, qui souhaite que les premiers aéronefs soient de "vils criminels",
l'autorisation de se lancer à la conquête des airs. Il commence par effectuer
plusieurs vols "captifs" (le ballon restant au sol) seul, puis avec
des passagers. Le 21 novembre, à 1 heure 54 de l'après-midi, Pilâtre et Arlandes
tentent la grande aventure. Depuis la terrasse du château de la Muette, à Passy,
leur ballon s'élève à une centaine de mètres, puis prend de l'altitude.
L'instant est aussi solennel qu'émouvant lorsque les passagers du premier vol
libre de l'histoire agitent leur chapeau pour saluer la foule stupéfait. "J'étais
surpris du silence et du peu de mouvement que notre départ avait occasionné
sur les spectateurs", raconte Arlandes qui, émerveillé de voir la
Seine et la capitale rapetisser sous ses yeux, en oublie d'alimenter le foyer.
"Vous ne faites rien, et nous ne montons guère",
le morigène Pilâtre. Le marquis se reprend, et le ballon se stabilise. Mais
bientôt, des flammèches roussissent la toile, y font des trous et menacent les
filins qui soutiennent la nacelle... Heureusement, les aéronautes parviennent
à éteindre ce début d'incendie. Vingt cinq minutes après leur départ, ils se
posent en douceur dans le quartier de la Butte aux Cailles, près de Gentilly.
Le 19 janvier 1784, Pilâtre de Rozier pilote le Flesselles.
Six passagers, dont Joseph de Montgolfier, ont pris place à bord du ballon géant,
qui décolle du quartier des Brotteaux à Lyon pour se poser deux kilomètres plus loin
après quinze minutes de vol durant lesquelles il a atteint mille mètres d'altitude.
Le 23 juin, l'aéronaute messin effectue un vol devant Marie Antoinette et le
roi de Suède. Il atterrit sur les terres du prince de Condé, qui, après l'avoir
chaleureusement félicité, lui offre quelques arpents de son domaine. Pilâtre
a de grandes ambitions. Il s'installe à Boulogne sur Mer, où, grâce à une subvention
de Charles Alexandre de Calonne, le contrôleur général des Finances, il prépare
la première traversée de la Manche. Avec l'aide du physicien Romain, il met
au point une nouvelle machine, "l'aéromontgolfière", association du
ballon à air chaud des frères de Montgolfier et du ballon à gaz du physicien
Jacques Charles. Mais des vents contraires l'obligent à reporter plusieurs fois
son départ. Si bien que, le 7 janvier 1785, Jean Pierre Blanchard et l'Anglais
John Jeffries réalisent avant lui cette première traversée, de Douvres à Calais.
Pilâtre est déterminé à ne pas se laisser souffler la vedette par ces concurrents,
mais, prudent, il rédige son testament et le dépose à l'amirauté. Le 15 juin
à sept heures du matin, malgré des conditions météorologiques défavorables,
il embarque enfin, avec Romain à bord d'un engin mal préparé. Quelques minutes
plus tard, c'est le drame : le ballon explose et, poussé vers la côte par le
vent, s'écrase sur la commune de Wimille, près de Boulogne. Avec le dernier
vol de l'aéronaute lorrain, la conquête de l'air vient de faire ses premières
victimes.
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