CLOVIS ET LES PERSONNALITES
SYAGRIUS, LE VAINCU DE SOISSONS
Alors que l'Empire romain d'Occident est en pleine déliquescence, Syagrius, le "roi de Soissons", se pose comme le dernier représentant légitime de l'autorité de Rome en Gaule. Défait par les Francs de Clovis en 486, il sera brutalement et cruellement éliminé par son vainqueur, laissant le champ libre à la dynastie mérovingienne.
Voilà cinq ans déjà
que Clovis a succédé à son père, Childéric 1er, à la tête du petit
royaume franc de Tournai. En 486, comme le raconte Grégoire de Tours dans son Histoire
des Francs, ce petit roi barbare du nord des Gaules fait soudain irruption
au beau milieu des événements qui bouleversent l'Empire romain d'Occident et
élimine Syagrius, que l'historien qualifie de "roi romain de
Soissons".
Childéric 1er s'est toujours comporté en bon général, en allié fidèle et
fiable de l'autorité romaine en Gaule. Lors de l'invasion des Huns, conduits
par Attila, le terrible "fléau de Dieu", il s'est vaillamment battu
sous les ordres du général Aétius. Les guerriers francs ont ainsi largement
contribué à repousser les barbares, définitivement vaincus à la bataille des
Champs Catalauniques en 451. Lorsqu'il prête serment d'allégeance à Odoacre
(le roi barbare d'Italie qui en 476 a déposé Romulus Augustule, dernier
Empereur romain d'Occident, et qui a été reconnu par Zénon, l'Empereur
d'Orient), le roi de Tournai manifeste-t-il simplement sa volonté de continuer
à se soumettre à l'autorité de Rome? Ou envisage-t-il de se retourner contre
la puissance romaine défaillante?
En 464, lorsqu'il
succède à son père, le général Aegidius, à la tête du "royaume"
de Soissons, Syagrius ne peut ignorer la menace que les Francs font peser sur
son autorité chancelante. Régnant en maître absolu sur un territoire qui
s'étend de la Somme à la Loire (territoire qui n'a jamais été occupé par
les Barbares), il est isolé du reste du monde romain et oeuvre pour son propre
compte. S'il a repris le commandement de l'armée, qui a été successivement
aux ordres d'Aetius, d'Aegidius et du comte Paul, sa puissance se mesure
néanmoins par le soutien que lui apportent les chefs locaux. En outre, la
population romaine soumise à son gouvernement est désormais partagée entre un
fort parti pro-barbare et la volonté de préserver son identité.
Dans ces conditions difficiles, Syagrius fait le choix de s'allier aux Wisigoths
d'Aquitaine. Certes, la lourde et puissante cavalerie wisigothe est un atout
militaire de poids. Mais, l'attitude des souverains aquitains à l'égard des
citoyens romains, en particulier en ce qui concerne la question territoriale,
provoque maintes contestations. De même que l'adoption par ces barbares de la
foi arienne, dénoncée sévèrement lors des conciles romains orthodoxes, et
les vexations auxquelles ils soumettent les catholiques.
Est-ce là le motif de la rupture entre Childéric 1er et Syagrius? On peut le
croire. En particulier au regard de la Vie de Sainte Geneviève, qui
mentionne comment le roi franc assiège Paris en 476 dans l'espoir de priver
Syagrius des ressources que lui procure cet important centre commercial.
En 481, lorsque Clovis succède à son père sur le trône de Tournai, il a de longue date compris tout le parti qu'il peut tirer d'une politique "d'union nationale". Alors que Syagrius est de plus en plus perçu comme un traître à la cause romaine, ses relations avec les Francs se font plus tendues. Par ailleurs, le nord des Gaules est exposé à la pression grandissante des Francs rhénans, qui voudraient bien étendre leur domination de la Belgique Seconde, au nord est, à la Belgique Première, où se situe justement le royaume de Clovis. Pour le roi franc, l'expansion territoriale vers le sud va devenir un impératif de survie. En 486, les guerriers de Clovis font face aux troupes de Syagrius, près de la cité de Soissons. La fougue des Francs vient rapidement à bout des forces du "roi romain", qui prend la fuite et se réfugie à Toulouse auprès de son allié le roi des Wisigoths. Mais Alaric II n'est pas de taille à tenir tête au puissant roi des Francs. Et, lorsque Clovis le somme de lui livrer Syagrius, il n'ose pas lui opposer un refus. Trahi par celui en qui il a placé sa confiance, le général romain finira ses jours dans les geôles franques, où il mourra étranglé. Pour ne pas ranimer l'antagonisme entre Romains et Barbares, Clovis veillera à ce que cette exécution reste secrète.
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