LES BOURBONS
LOUIS XIII, LES PERSONNALITES |
CINQ MARS, LE FAVORI De Louis XI vu par Walter Scott, à Cinq Mars décrit par Vigny ou Richelieu revu par Dumas, le romantisme est coupable de bien des légendes souvent malhonnêtes. Cinq Mars, raconté par Alfred de Vigny, l'officier frustré, est le type même de la liberté que s'autorise la littérature avec l'histoire. La sanglante scène finale, le bourreau maladroit, la hache, la foule, l'ami fidèle jusqu'au bout, ont beaucoup ajouté de grandeur à la brève histoire d'un écervelé, beau garçon mais tête folle. Henri
d'Effiat, marquis de Cinq Mars, est le fils d'un protégé de Richelieu, de minuscule
noblesse auvergnate, mais qui devient par la grâce du seigneur-cardinal, maréchal
de camp puis surintendant des Finances. Pendant que le vieux Richelieu, grabataire toujours aussi lucide, assiège Perpignan, le grand écuyer assiège le roi. Chaque jour, il dénonce le cardinal et demande sa tête. Le favori a un projet tout prêt : Tréville, capitaine des mousquetaires, arrêtera le cardinal. Et, s'il résiste, tant pis pour lui! Ce qu'on ignore encore aujourd'hui c'est le degré de complaisance qu'a manifesté Louis XIII. A-t-il donné son accord pour éliminer "l'éminence rouge" qui tient le royaume à bout de bras? Informé, Richelieu agit le premier. Il lui a suffit, pour comprendre ce qui se trame, de faire espionner Gaston, Cinq Mars et principalement son jeune ami juriste De Thou qui se vante un peu trop fort de tout connaître et de s'en réjouir. Pas pour longtemps, car les espions de Richelieu ont intercepté les messages de Fontrailles et récupéré l'acte de trahison signé. Le cardinal fait alors agir des magistrats à sa dévotion, mené par le plus célèbre d'entre eux, Laubardémont. Pas besoin d'inventer dans l'affaire Cinq Mars ni d'arracher des aveux sous la torture. Le pacte signé avec le diable espagnol est une preuve suffisamment accablante. Le fielleux Laubardémont se contente d'employer un vieux truc politique. A De Thou il affirme que Cinq Mars a tout avoué. A Cinq Mars que son confident De Thou, bourrelé de remords a tout révélé. L'affaire est menée en secret, car Richelieu n'est pas sûr du roi. Quand les juges déclarent Cinq Mars et son ami coupables de haute trahison, donc de lèse-majesté, le roi ne peut plus sauver son favori. L'Europe, en fanfare, est informée du crime. Lyon aura la joie douteuse du massacre légal, le 12 septembre 1642. Pour l'exécution en place publique, Richelieu accorde aux deux condamnés un carrosse au lieu du tombereau d'infamie. Lyon n'ayant pas de bourreau traditionnel, il a fallu recruter un boucher de village qui ne sait pas se servir d'une épée. C'est donc au couperet que les deux amis seront décapités. Pour ne pas être souillé par le contact d'un manant, Cinq Mars se coupe lui même les cheveux. Pour ne pas voir l'agonie de son ami, De Thou se fait bander les yeux. Pour l'un comme pour l'autre, le boucher rate son coup. La tête n'est pas détachée complètement du corps et l'officiant doit terminer son lugubre travail en sciant les chairs avec le tranchant de son couperet. L'ambassadeur vénitien Giustiniani qui décrit la scène atroce termine son courrier par cette phrase terrible : "On n'a pas trouvé le texte authentique du traité". On ne le trouvera jamais ! ! ! ! Page MAJ ou créée le 2003 |