LA MORT DU REGENT PHILIPPE D'ORLEANS
Le 15 février 1723, jour de ses treize
ans, Louis XV a été proclamé majeur. Le duc Philippe d'Orléans a quitté sa fonction
de régent, mais est resté à la tête des affaires du royaume. Le prince est dans
sa quarante neuvième année, et les méchantes langues le disent usé par une vie
de débauche. Le 2 décembre, il va être brutalement emporté par une crise d'apoplexie
foudroyante.
A Versailles, ce 2 décembre 1723, le duc Philippe d'Orléans
vaque à ses occupations habituelles. Longuement, il s'entretient avec le duc
de Saint Simon, qui notera dans ses Mémoires : "Je
ne trouvai nulle différence à son état ordinaire, épaissi et appesanti depuis
quelque temps, mais l'esprit net et le raisonnement tel qu'il l'eut toujours". Avant
d'examiner les affaires du royaume avec le jeune Louis XV, le prince décide
de passer un agréable moment avec une de ses maîtresses, madame Falari. Il plaisante
alors avec la belle aventurière lorsque, soudain, il s'effondre sans connaissance.
Affolée, la jeune femme tente de donner l'alerte. Mais Philippe d'Orléans a
prévenu ses serviteurs qu'il n'aura pas besoin d'eux et se rendra seul chez
le roi en empruntant le petit escalier privé reliant sa garde-robe à l'antichambre
de Sa Majesté : les appartements sont donc déserts. Il faut une trentaine de
minutes avant que la jeune femme ne parvienne à trouver des domestiques, et surtout
un médecin.
Enfin examiné par les hommes de l'art, le Régent est aussitôt
soumis à la saignée, sans résultat : l'apoplexie a été foudroyante. Pendant
que madame Falari se hâte de s'éclipser et de rejoindre discrètement Paris,
la foule des courtisans se précipite. Saint Simon est là, qui remarque : "Il
redoutait une mort lente qui s'annonçait de loin. La mort la plus subite fut
celle qu'il préférait. Hélas! Il l'obtint". Après deux heures d'agitation
et bien des larmes, sincères ou hypocrites, le silence s'installe dans la chambre
du défunt. Toute la Cour se presse ensuite vers le cabinet du roi, où l'on
envisage déjà l'avenir. L'évêque de Fréjus et le duc Louis Henri de Bourbon
Condé annoncent la triste nouvelle au jeune souverain, qui pleure comme l'enfant
qu'il est encore, sincèrement. Mais la vie et la politique (et les intrigues!)
doivent continuer. L'évêque et Bourbon expliquent que le meilleur hommage à
rendre au disparu est de le remplacer séance tenante! Le prélat propose que
le duc, qui a été chef du Conseil pendant la minorité de Louis XV, soit nommé
Premier Ministre. Essuyant ses larmes d'un revers de manche, le petit roi se
contente de hocher la tête en signe d'assentiment. Le serment est déjà préparé
pour la signature.
Chacun à la Cour commente la mort du régent, fils d'un
couple haut en couleur : Monsieur, frère de Louis XIV, et Madame Palatine, qui
a hérité du tempérament artistique de son père et de la franchise, ennemie de
la bigoterie et de l'hypocrisie courtisane, de sa mère. Philippe d'Orléans laisse
l'image d'un prince cultivé, habile politicien et fin stratège, mais aussi libertin
et viveur. Dans ses Mémoires, le duc de Saint Simon prend la défense
du défunt Régent : "Les pays étrangers lui rendirent
incomparablement plus de justice et le regrettèrent beaucoup plus que les Français.
Quoique les étrangers connussent sa faiblesse (...), ils n'en étaient pas moins
persuadés de l'étendue et de la justesse de son esprit, de la grandeur de son
génie et de ses vues, de sa singulière pénétration, de la sagesse et de l'adresse
de sa politique, de la fertilité de ses expédients et de ses ressourecs, de
la dextérité de sa conduite dans tous les changements de circonstances et d'événements,
de sa netteté à considérer les objets et à combiner toutes choses, du discernement
exquis à démêler, à tourner les affaires... Le roi le pleura et fut véritablement
touché de sa perte, en sorte qu'il n'en a jamais parlé depuis, et cela est revenu
souvent, qu'avec estime, affection et regret". Un regret partagé
par le duc mémorialiste qui, après la mort de Philippe d'Orléans, quittera la
Cour et abandonnera la politique pour se consacrer à ses écrits.
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