LES CAPETIENS
LOUIS IX, SA VIE
UN ROI COURONNE A LA SAUVETTE
Jamais un roi de France n'a été aussi puissant que le roi Louis VIII en cette année 1226. Surnommé le Lion, le fils de Philippe Auguste vient de réduire la rébellion albigeoise. Le royaume est en paix, gouverné par un roi adroit, fier guerrier, parfaitement secondé par une femme de tête, Blanche de Castille. Leur union est sans nuages depuis vingt six ans. La reine va à la rencontre de son cher époux : à trente huit ans elle est enceinte de son douxième enfant qui sera le futur Charles d'Anjou. Louis l'aîné l'accompagne. Il a douze ans.
L'heureuse chevauchée est vite arrêtée
par un cortège funèbre. Le frère Guérin, conseiller et ami du roi, leur annonce que le
roi est mort d'une soudaine attaque de dysenterie, au château de Montpensier (dans
l'actuel Puy de Dôme). Les funérailles seront célébrées rapidement le 15 novembre à
l'abbaye de Saint Denis. C'est la première et dernière fois que l'on verra une reine de
France aussi éplorée. Blanche a perdu son mari qu'elle aimait tant, et elle est
confrontée à un problème dynastique nouveau. Louis le Lion était parti à la guerre
sans laisser de testament. Pour y suppléer, trois prélats dévoués à la monarchie vont se
livrer à un tour de passe-passe juridique. Dans une lettre, adressée à tous les
évêques, archevêques, comtes et ducs, ils témoignent que le roi, sur son lit de mort,
a ordonné que Blanche soit régente. Mais jusqu'à quand ? Depuis 150 ans, les capétiens
n'ont pas eu à gérer ce problème, les textes sont flous. La coutume veut que la
majorité soit fixée à quatorze ans chez les roturiers et vingt et un ans chez les nobles.
Elu de Dieu et épée du royaume, le roi doit être chevalier. Alors, on adoube à la
hâte le jeune Louis (futur Saint Louis), à Soissons, sur la route de Reims où il doit
être sacré le plus vite possible pour éviter les troubles. Puisque les grands
feudataires sont, en droit, de possibles régents, Blanche doit les devancer, au prix d'un
couronnement à la sauvette.
A Reims, l'assistance est clairsemée. Les Grands du royaume ne sont pas là. Certains
n'ont pas eu le temps matériel de se préparer. D'autres pensent qu'une cérémonie
bâclée pour couronner un enfant qui peut être ne vivra pas, n'a pas d'intérêt. La
majorité enfin des absents s'est abstenue pour des raisons politiques : ils dénient à
la régente le droit de gouverner au nom de son fils. A leurs yeux, tant que le roi n'est
pas vraiment roi, c'est à dire majeur, la rébellion n'est pas encore perçue comme un
crime de lèse-majesté . Si bien que la cathédrale de Reims est en ce jour presque vide.
En cet automne pluvieux, la cathédrale
encore en construction est ouverte à tous les vents et l'archevêque de Reims n'a
toujours pas été nommé. L'ambiance est sinistre. Le petit roi, courageux, ploie sous le
fardeau d'un manteau trop lourd et d'une couronne trop grande. Le bon peuple n'a pas
suivi. Pour ce roi qui deviendra si populaire, aucune gorge ne lance de cris de joie, de
bienvenue, de soumission. Le pays a perdu son Lion et ne croit pas en ce gamin frêle,
mené et dominé par une femme. La monarchie est affaire d'homme. C'est en tout cas ce que
pensent les conjurés menés par l'oncle du roi, Philippe Hurepel. Hurepel est le fils
légitimé de Philippe Auguste et de sa très chère Agnès de Méranie. Demi-frère du
défunt roi, il est capable de régner. Mais l'âme du complot est le duc de Bretagne par
intérim, Pierre de Dreux, un capétien puissant, retors et capable de tout.
Louis va mettre sept ans pour devenir un vrai roi, sept ans de lutte contre des rivaux qui ne
seront jamais capables d'une ligne politique continue, et que Blanche sait admirablement
diviser. Cette incapacité à l'union sera toujours le point faible des conjurations
contre le trône. A seize ans, Louis a pris les armes et commande son armée sans fléchir.
La mort de Hurepel et celle de Pierre de Dreux le délivrent enfin des trublions. D'autre
part il a réussi à faire la paix avec ce turbulent vassal qu'est Raymond VII de
Toulouse. Sept ans après son sacre le petit roi publie sa première ordonnance à Melun,
lors d'une assemblée qu'il a convoquée. Le 25 avril 1234, il est déclaré majeur.
LE SIECLE DE SAINT LOUIS VA COMMENCER..
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