LES CAPETIENS
LOUIS IX, SA VIE
Marguerite de Provence

 

LA REINE MARGUERITE DE PROVENCE ACCOUCHE EN EGYPTE

"Le roi votre époux est prisonnier, tout est perdu Madame"! Dans la citadelle de Damiette, Marguerite de Provence essaie courageusement de retenir ses larmes alors que tombe la terrible nouvelle : à l'aube du 7 avril 1250, toute l'armée croisée, le roi Louis IX en tête, a été faite prisonnière par Turanchah, le sultan d'Egypte. La reine ve devoir réunir la rançon de son époux, alors qu'elle est seule en pays ennemi et tout près d'accoucher.

Marguerite de Provence est épouvantée. Elle se voit déjà, elle aussi, prisonnière des infidèles, violée, réduite en esclavage. Elle craint de s'endormir et de ne pas entendre l'ennemi arriver. Au beau milieu de la nuit, croyant la forteresse de Damiette et sa chambre envahies par les Sarrasins, elle s'éveille en sursaut et appelle au secours.
Afin de pouvoir s'endormir, elle demande à un vieux chevalier de quatre vingt ans de rester à son chevet. Pendant deux nuits consécutives, chaque fois que, prise de panique, la reine s'éveille en criant : "Aidez moi! Aidez moi!", le vieillard lui prend la main et la rassure : "Dame, n'ayez crainte, je suis ici"!

Trois jours après l'annonce de la terrible nouvelle de la capture de Louis IX, et alors qu'elle entend les détails du massacre des blessés, qui ont été achevés et jetés dans le Nil, la reine commence à ressentir les premières douleurs de l'enfantement.
Avant d'accoucher, Marguerite de Provence fait évacuer sa chambre et ne garde auprès d'elle que le vieux chevalier. Lorsqu'elle se trouve enfin seule avec lui, elle s'agenouille et le prie de lui permettre de formuler une requête : "Dame, je ferai tout ce que vous m'ordonnerez", répond le fidèle serviteur. "Je vous demande, par notre foi et au nom de Dieu, que si les Sarrasins prennent cette ville vous me couperez la tête, afin qu'ils ne me prennent pas vivante", supplie la reine. Car, fille de Provence, elle n'ignore rien du sort réservé aux chrétiennes de tous âges et de toutes conditions qui ont le malheur de tomber entre les mains des barbaresques. Le chevalier la relève doucement. "Dame, soyez certaine que je le ferai volontiers. Au reste, j'avais déjà songé que je vous occirais avant qu'ils vous eussent prise".
Peu après, rassurée par cette promesse, la reine accouche d'un fils. L'enfant est prénommé Jean Tristan. Jean en souvenir de celui qu'elle a perdu en bas âge avant de partir en Terre Sainte, devenue terre de malheur; et Tristan "pour la grande douleur du temps où il fut né".
Le jour même de la naissance de ce "prince des larmes", on informe Marguerite de Provence que les marins de Gênes et de Pise, qui ont assuré le transport de l'armée royale et à qui a été confiée la garde du port de Damiette, ont décidé de l'abandonner à son triste sort et de s'en retourner dans leur pays.

Pris de panique à l'annonce du désastre de Mansourah et de la capture du roi, les Italiens ne veulent prendre aucun risque en liant leur sort à celui d'un vaincu. Le lendemain, encore toute dolente, la reine les convoque dans sa chambre. Incapable de les recevoir assise, elle s'adresse à eux allongée sur son lit : "Seigneurs, pour Dieu, ne me laissez pas en cette ville et demeurez-y jusqu'à ce que j'ai payé la rançon du roi, car vous voyez que messire le roi serait perdu et toux ceux qui sont prisonniers. Je vous conjure, prenez pitié de moi et de cette chétive créature qui gît ici, attendez au moins que je me sois relevée", supplie-t-elle.
Les Italiens, après s'être entre-regardés, restent sur leurs positions. "Nous devons partir, nous n'avons pas assez de provisions, nous mourrons de faim dans cette ville". Puisqu'elle n'a pas d'autre issue, la reine promet d'acheter toute la nourriture disponible et de la leur faire distribuer. Après s'être beaucoup fait prier, Génois et Pisans acceptent de rester contre la colossale somme de 360 000 livres, officiellement destinée à les aider à pourvoir à leurs achats de provisions. S'assurant ainsi la fidélité provisoire de la flotte italienne, Marguerite de Provence les paie en soupirant "que les Sarrasins ne sont pas les seuls à exiger rançon".
Ensuite, la reine fait en sorte que le forteresse de Damiette soit remise aux Egyptiens, conformément au traité conclu entre Louis IX et son vainqueur. Puis, elle prend place dans une litière qui doit la conduire jusqu'à la forteresse de Saint Jean d'Acre, où elle a pour mission de mettre à l'abri le trésor du roi.

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