LES CAPETIENS
LOUIS IX, SA VIE
Marguerite de Provence

 

BLANCHE DE CASTILLE ET MARGUERITE DE PROVENCE, REINES ENNEMIES

"Ma belle-mère me déteste, elle ne sait qu'inventer pour me séparer de mon époux" se confie la jeune reine Marguerite auprès de sa nourrice, qui l'a suivie depuis sa Provence natale. "Pourtant, c'est elle qui m'a choisie"! Depuis le 27 mai 1234, jour de ses noces avec Louis IX, Marguerite de Provence doit se plier à la stricte volonté de la régente Blanche de Castille. La cohabitation entre les deux reines est loin d'être facile.

Songeant à marier son fils, le futur Saint Louis, Blanche de Castille, régente du royaume depuis la mort de Louis VIII, a jeté son dévolu sur le comté de Provence voisin de celui de Toulouse, et sur l'aînée des quatre filles du comte Raimond Berenger. Marguerite a douze ans, Louis vient de fêter ses vingt ans. C'est à Sens qu'ils se rencontrent, peu avant la célébration de leurs noces, le 27 mai 1234. Entre eux la sympathie est immédiate, c'est presque un coup de foudre. A la surprise générale, la reine mère ne semble pas partager la joie des jeunes mariés.

Pendant la cérémonie du mariage, puis, le lendemain, lors du sacre de la jeune reine Marguerite, le visage de Blanche de Castille reste fermé, son attitude presque hostile. Quelques semaines plus tard, elle confie à son fils le commandement de la campagne contre Pierre de Dreux et l'envoie recevoir l'hommage du duc de Bretagne. L'intervention du roi n'est nullement indispensable, mais semble bien être le prétexte idéal pour l'éloigner de son épouse.
Sitôt Louis de retour en son palais, Blanche de Castille décrète qu'il n'a pas à passer trop de temps avec Marguerite. Pas de lune de miel pour le roi, qui doit travailler et prier! Jamais, la régente ne désarmera. Allant même jusqu'à affirmer que, dans la journée, son fils n'a rien à faire dans la chambre des dames et n'hésitant pas à se livrer à l'improviste à des tournées d'inspection dans les appartements royaux, pour vérifier qu'il n'est pas avec son épouse! Lorsqu'elle apprend qu'ils sont ensemble, elle se précipite, prend son fils par la main et l'entraîne loin de sa belle-fille...
Mais c'est compter sans l'ingéniosité des amoureux. Au château de Pontoise, les appartements du roi et ceux de la reine sont situés l'un au-dessus de l'autre et reliés par un escalier en colimaçon. C'est là, assis sur les marches, que les jeunes époux se rencontrent en cachette. Le lieu n'est certes pas très confortable, mais offre un semblant d'intimité et permet au couple, loin de son cerbère, de se voir, d'échanger doux propos et tendres caresses.

Lorsque Blanche de Castille se dirige vers l'appartement de son fils ou vers celui de sa belle-fille, les huissiers, complices des jeunes mariés, frappent à la porte de leurs verges ou de leurs hallebardes pour annoncer sa venue. "Et le roi s'en venait en courant dans sa chambre pour que sa mère l'y trouvât. Et ainsi faisaient les huissiers de la chambre de la reine Marguerite quand la reine Blanche y venait pour qu'elle trouvât la reine Marguerite filant avec ses dames", rapportent les chroniqueurs. La reine mère ne se déplaçant jamais sans le cortège de ses fidèles, les huissiers l'entendent venir de loin et peuvent aisément protéger le secret des amoureux.
Au fil des ans, l'intransigeance de Blanche de Castille ne s'atténue pas. Alors qu'elle vient d'accoucher, se trouvant très dolente et inquiète, Marguerite de Provence réclame son époux à son chevet. Louis IX accourt aussitôt. Mais, la régente est là, qui veille à tout dans la chambre de l'accouchée. Elle tire son fils par la main en lui assénant, raconte le sire de Joinville, un péremptoire : "Venez vous-en, vous n'avez rien à faire ici"! Accablée, la reine Marguerite s'écrie : "Hélas, vous ne me laisserez voir mon seigneur ni vive ni morte"! Et elle s'évanouit...
Pour l'entourage royal, il semble que cette situation conjugale n'ait pas été étrangère à la décision du roi de partir pour la croisade. En laissant la régence à sa mère et en emmenant son épouse avec lui en Terre Sainte, il a séparé les deux reines sans avoir à prendre parti...

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