LES CAPETIENS
LOUIS IX, SA VIE
La
mort du roi
LES DERNIERS INSTANTS DE LOUIS IX
Victime de la terrible épidémie de dysenterie qui décime les rangs de la huitième croisade, Louis IX tente de surmonter la maladie, en se consacrant à ses devoirs de souverain et en se dévouant au service des mourants. Mais l'épuisement et la fièvre vont le contraindre à s'aliter. Le lundi 25 août 1270, le pieux roi va rendre l'âme, après avoir recommandé une dernière fois son "peuple" à Dieu.
Le 2 juillet 1270, la flotte de la huitième croisade a quitté le port d'Aigues Mortes. Un mois et demi plus tard, Louis IX et son armée ont débarqué en baie de Tunis. Après avoir pris la tour de la Goulette, qui commande le passage vers la plaine de Carthage, ils ont établi leur campement sous les murs de l'antique cité. Si les croisés parviennent assez aisément à parer les escarmouches des musulmans, leurs plus cruels ennemis sont le soleil de plomb, la chaleur torride et surtout une terrible épidémie de dysenterie qui décime leurs rangs.
Le 3 août, l'un des fils de Louis IX, le comte Jean Tristan
de Nevers, est mort. Malgré son chagrin, le roi se dévoue au service des malades
et des mourants, et tente de dissimuler sa fatigue pour ne pas démoraliser la
troupe. Il désigne un légat provisoire en remplacement de Raoul Grosparmi, le
cardinal-évêque d'Albano, décédé le 7 août. Il reçoit les ambassadeurs de l'empereur
de Constantinople, Michel Paléologue. Il prend des dispositions pour le financement
de la suite de la croisade. Mais, épuisé, il se voit bientôt obligé de s'aliter
sous sa tente.
Consumé par la fièvre, il se sent condamné. Pourtant, il refuse
de se laisser aller à de sombres pensées. Il a craint pour la vie de l'aîné
de ses fils survivants, le futur Philippe III le Hardi : mais celui-ci est presque
déjà guéri. N'est-ce pas là une excellente raison de se réjouir et de remercier
Dieu? A son héritier, qui le veille affectueusement, il remet une "instruction"
écrite de sa main, long testament spirituel, reprenant l'essentiel de ses Enseignements,
les préceptes qu'il a rédigés à son usage, avant de partir pour la croisade.
Il lui rappelle d'être "loyal et rigide en rendant
la justice", de se garder "de partir en
guerre, sans grande délibération, contre les peuples chrétiens",
de protéger la Sainte Eglise, d'être "économe et raisonnable".
Persuadé
que sa fin est proche, Louis IX repousse quasiment toute nourriture, refuse
les soins de ses médecins et les visites autres que celles de son confesseur,
Geoffroy de Beaulieu. Mais il est en paix avec lui-même. Il a rédigé son testament,
a donné ses dernières consignes à ses barons, à ses prélats, au prince Philippe.
Le lundi 25 août, vers six heures du matin, le roi s'exclame en levant les yeux
au ciel : "J'entrerai dans Ta maison, j'adorerai dans
Ton saint temple et je confesserai Ton saint nom", témoigne son
chapelain, Guillaume de Chartres. Puis il tombe dans l'inconscience. Vers midi,
il se redresse sur son séant et entre en prière.
Le pieux souverain est particulièrement préoccupé par
le sort qui attend les rescapés de la croisade. C'est à eux et aussi à ses sujets
du royaume de France qu'il songe en adressant ses dernières prières. "Beau
sire Dieu, aie pitié de mon peuple qui est ici et ramène le dans notre pays,
qu'il ne tombe pas dans les mains de ses ennemis et qu'ils ne soient pas contraint
de renier Ton saint nom". Pour lui-même, il ne demande plus rien
: "Seigneur, c'est assez : j'ai combattu jusqu'ici,
j'ai travaillé jusqu'à présent à Votre service et de toutes mes forces; j'ai
servi tant que j'ai pu Votre peuple et Votre royaume que Vous m'aviez confiés;
maintenant, en Votre clémence, rappelé à Vous corporellement, je Vous prie,
je Vous supplie : soyez, Seigneur, sanctificateur de leurs âmes et gardien de
leurs corps. Je les remets à Votre pitié". Après quoi, il demande
à être étendu dur un lit de cendres en forme de croix. A trois heures de l'après-midi,
à l'heure même où Jésus Christ a expiré sur la Croix, il soupire un ultime "Oh!
Jérusalem, Jérusalem!" puis rend l'âme. Il est âgé de cinquante
six ans.
Louis IX est à peine passé de vie à trépas, que les croisés aperçoivent
au large les vaisseaux de Charles d'Anjou, roi de Sicile. Nul cri de joie n'accueille
le débarquement du frère cadet du défunt roi. Il avait fait promettre à son
aîné de ne pas passer à l'offensive avant son arrivée. Longtemps, son renfort
a été attendu, espéré comme une dernière grâce de Dieu. Maintenant, il est trop
tard : le roi n'est plus, la croisade n'est plus qu'un voeu pieux.
Sitôt
qu'il apprend l'affreuse nouvelle, Charles d'Anjou, en pleurs, va s'agenouiller
et prier auprès de la dépouille de son frère. Quand il se relève, c'est pour
rendre hommage au nouveau roi de France, son neveu Philippe III le Hardi, dont
le règne vient d'être inauguré de façon dramatique.
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