LES CARROSSES DE BLAISE PASCAL
Le philosophe et mathématicien Blaise Pascal
est affligé par la misère qui frappe le peuple. Aussi décide-t-il de fonder
une entreprise dont les bénéfices lui permettront de venir en aide aux pauvres.
Le 18 mars 1662, il lance la première ligne de carrosses omnibus et réguliers
dans Paris. Ces "carrosses à cinq sols", première expérience
de transports en commun urbains, connaîtront un succès immédiat, mais éphémère.
En ce début d'année 1662, misère et famine sévissent dans
le royaume de France. Les récoltes ont été très mauvaises, faisant grimper le
prix du blé. La situation est dramatique à Paris et plus encore dans la région
de Blois, où les enfants meurent de faim en grand nombre. Touché par ces drames,
le philosophe et mathématicien Blaise Pascal veut aller plus loin que la charité
qu'il pratique quotidiennement et mener une action d'envergure.
Lorsque Pascal se voit restituer la dot de sa soeur, Jacqueline,
entrée dans les ordres et décédée à l'abbaye de Port Royal l'année précédente,
il décide d'investir cet argent dans la création d'une entreprise et de consacrer
sa part de profits à soulager la misère qui fait des ravages dans la région
de Blois et dont les échos bouleversent jusqu'aux Parisiens. Bien que malade,
le philosophe aime se promener dans Paris. Constatant que les rues sont sales,
encombrées et peu sûres, il a l'idée de mettre sur pied un réseau de carrosses,
à l'instar des coches qui transportent les voyageurs d'une ville à l'autre,
auquel tout le monde, même les pauvres, aurait accès. Circulant à intervalles
réguliers selon des itinéraires définis, les carrosses de Pascal constitueront
le premier réseau de transports en commun dans une grande ville d'Europe. La
capitale ne dispose jusque-là que de chaises ou de voitures de louage, privées
et d'un coût élevé. "Les chaises et les carrosses
ne sont établis que pour des personnes de plus de considération, qui peuvent
dépenser une pistole ou deux écus par jour, ce qui dépasse de beaucoup la portée
des petites gens, lesquels pourront être pris en carrosse pour un prix si modique
que pour les traites ordinaires on ne paiera que deux sols, et pour les plus
éloignées quatre à cinq sols", souligne Pascal en exposant son projet. Le
6 novembre 1661 est créée une "Société d'exploitation des carrosses"
: les actionnaires signent le contrat établi par le jeune Etienne Périer, fils
de Gilberte, la soeur aînée de Pascal. Mais le privilège accordé le 7 février
1662 par le Conseil du roi se révèle décevant : il exclut "les
soldats, pages, laquais et autres gens de bras", si bien que
de nombreux démunis ne pourront utiliser le nouveau moyen de transport. Malgré
tout, le prix de la course est fixé au tarif unique de cinq sols, par personne
et par heure, que le cocher encaissera sans être obligé de rendre la monnaie.
Chaque véhicule, tiré par deux chevaux, pourra transporter huit personnes. Pascal
rédige des affiches qui, placardées dans Paris, annoncent "l'établissement
dans la ville et ses faubourgs de carrosses publics destinés aux petites gens
afin de leur procurer les mêmes commodités qu'aux riches", qui
passeront "tous les demi-quarts d'heure du jour
même aux heures du dîner".
L'inauguration de la première ligne, qui mène du Luxembourg
(proche de chez Pascal) à la porte Saint Antoine (à côté de l'hôtel de Roannez)
a lieu le 18 mars 1662. Bien qu'épuisé par des diarrhées et de terribles migraines,
Pascal, soutenu par Gilberte, tient à être du premier voyage. Ce sera sa dernière
promenade dans Paris. Le long du trajet, une foule de badauds regarde passer
les carrosses en applaudissant. "On ne voyait partout
que des visages riants, mais ce n'était pas un rire de moquerie, mais un rire
d'agrément et de joie. Cette commodité se trouve si grande que tout le monde
la souhaite, chacun dans son quartier : les marchands de la rue Saint Denis
demandent une route avec tant d'insistance qu'ils parlent même de présenter
requête", rapporte Gilberte. Ce premier sucès incite Pascal et
ses associés à ouvrir, le 1er avril, une deuxième ligne reliant le faubourg
Saint Antoine au quartier Saint Honoré. En mai, deux autres lignes permettent
de joindre le Luxembourg au Palais Royal puis à Montmartre; enfin, une cinquième
est inaugurée le 29 juin. Les profits sont aussitôt réinvestis dans des voitures
supplémentaires. Les actionnaires ne reçoivent aucun sou, ce qui fait dire à
Gilberte que, malgré cette réussite, "comme les choses
ne se font pas du jour au lendemain, les pauvres de Blois furent secourus d'ailleurs,
et mon frère n'y eut que la part de sa bonne volonté". Décédé le
19 août 1662, Blaise Pascal n'aura pas le temps de tirer un quelconque profit
matériel de son idée. Après sa mort, l'entreprise, exploitant des voitures trop
vieilles, trop sales et trop lentes, périclitera et cessera toute activité en
1691.
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