LE TRIOMPHE DE LOUIS XIV A GAND (9 -
12 mars 1678)
Après avoir désarçonné
l'ennemi en vagabondant en Hollande, Louis XIV va laisser croire à une
attaque sur Ypres. Cette ruse va lui permettre de s'emparer de Gand sans coup
férir. Le 9 mars 1678, la ville tombe, et la citadelle se rend trois
jours plus tard. Cette victoire, que les sujets du Roi Soleil érigeront
en triomphe, annonce la fin de la guerre de Hollande.
Depuis la mi-février 1678, Louis XIV
s'est livré en Lorraine à un subtil manège. Suivi de la
Cour, qui ignore tout de ses véritables intentions, il a "visité"
nombre de villes et de villages, fait étape à Commercy et à
Toul. Le 22 février, il rejoint son frère, le duc d'Orléans,
à Metz. Pendant ce temps, Hollandais et Espagnols s'interrogent sur le
tour que va prendre la guerre de Hollande. Décontenacés de ne
trouver aucune logique dans la succession de déplacements du Roi Soleil,
ils se demandent si l'armée française est vraiment résolue
à attaquer. Et, si oui, ils sont incapables de déterminer où
elle va passer à l'action. Louis XIV a gagné son pari : son
périple en Lorraine lui a permis de démoraliser et de désarçonner
l'adversaire, qui épuise son énergie en mouvements de troupes
aussi inutiles qu'illusoires! Le poète Jean Racine, historiographe du
roi, rapporte dans son Précis historique des Campagnes de Louis XIV
depuis 1672 jusqu'en 1678 que le gouverneur des Pays Bas espagnols semble
pris de panique. "Il voit aller et
venir de toutes parts les armées françaises; il voit que depuis
le fond de la Flandre jusqu'au Rhin, le roi a partout ses magasins; il ne sait
quelle place abandonner ni défendre; il en assure une, il en expose vingt
autres. Il court enfin au plus pressé, et, rappelant toutes les troupes
qu'il avait en Flandre, il remplit toutes les villes du Hainaut et du Luxembourg".
Louis XIV en profite pour alimenter le vent de folie qui souffle sur l'état
major ennemi : quand il quitte Verdun, fin février, il fait courir le
bruit qu'il va mettre le siège devant Namur!
A Stenay, dans le plus grand secret, le
roi quitte la reine et la Cour. S'il prend bien la route du Namurois, c'est
en direction de la Flandre qu'il se dirige. Lui qui, par ruse, a pris plaisir
à s'éterniser sur les routes et les chemins de Lorraine, parcourt
plus de soixante lieues en seulement trois jours. Chaque minute gagnée
sur l'ennemi est précieuse, et le roi se contente de se sustenter "sous
une halle", de s'abreuver du "plus mauvais vin du monde". Il
ne s'accorde que de courtes pauses : dans le petit bourg d'Aubigny, il couche
dans une ferme; à Saint Amand, il est si éreinté "qu'il
ne peut se résoudre à monter jusqu'à sa chambre".
Désormais, il ne reste plus à Sa Majesté qu'à aider
l'ennemi à commettre une erreur, autant que possible fatale... Louis
XIV le pousse à la faute en ordonnant au maréchal d'Humières
de marcher sur Ypres. Voyant les armées françaises se rapprocher
dangereusement, l'état major des Pays Bas espagnols prend peur. Et, pour
sauver Ypres, dépouille Gand de ses défenses. Or, au dernier moment
le maréchal d'Humières tourne bride : le 3 mars, ses troupes arrivent
en ordre dispersé devant Gand, pratiquement dépourvue de défenseurs.
Louis XIV, aussitôt prévenu, est sur place dès le lendemain
matin à onze heures, bientôt suivi par les troupes de ses fidèles
maréchaux, Luxembourg, Schomberg et Lorge. Les Gantois assiégés
ne peuvent compter que sur une garnison réduite, commandée par
le vieux gouverneur Dom Francisco de Pardo.
Le 5 mars, l'armée française
passe à l'attaque et n'éprouve aucun mal à venir à
bout de la ville, qui tombe le 9 mars. Reste la citadelle, toujours aux mains
d'une poignée d'hommes commandés par le gouverneur. Certes, les
derniers défenseurs de Gand doivent affronter de grands maréchaux
à la tête d'hommes robustes et frais, et de surcroît en grand
nombre. Mais, surtout, les vivres leur font défaut. Aussi ne s'obstinent-ils
pas à résister en vain : le 12 mars, ils capitulent. Lorsqu'il
se présente devant le Roi Soleil, le gouverneur Dom Francisco de Pardo
se contente de ces quelques mots laconiques : "Je viens rendre Gand à
Votre Majesté; c'est tout ce que j'ai à lui dire". Compte
tenu de l'habile stratagème imaginé par Louis XIV et du rapport
de forces nettement en faveur des Français, le siège de Gand semblait
inéluctablement voué pour eux au succès. Il n'en demeure
pas moins un formidable coup porté aux adversaires de la France, et,
qui plus est, par le souverain en personne. Le 15 mars, la prise d'Ypres par
Louis XIV et le maréchal de Luxembourg vient renforcer cette victoire.
Si le Roi Soleil ne pousse pas son avantage, c'est parce que la guerre coûte
cher et qu'il considère Gand et Ypres comme des gages suffisants pour
négocier une paix avantageuse. Dans cette guerre de Hollande qui s'éternise
depuis bientôt six ans, il est parvenu à vaincre seul contre tous.
Dès lors, les coalisés (les Provinces Unies, l'Espagne, l'Empire
et leurs alliés) n'auront plus d'autre ambition que de négocier
la fin des hostilités.
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