LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL, CHEF D'ETAT

 

L'HOMMAGE D'EDOUARD 1ER D'ANGLETERRE A PHILIPPE LE BEL
(5 juin 1286)

Le 5 juin 1286, quelques mois après son couronnement, Philippe le Bel reçoit au palais du Louvre l'hommage de ses feudataires, dont le plus puissant, Edouard 1er, est à la fois son vassal en tant que duc d'Aquitaine, et son égal en tant que roi d'Angleterre.

A l'âge de quarante six ans, Edouard 1er est l'un des souverains les plus respectés d'Europe. Avant son avènement, il a été le compagnon de croisade de Louis IX; homme loyal, il possède un sens aigu de l'honneur et des prérogatives royales et féodales : en Angleterre comme en Aquitaine, il veut être le maître chez lui et, pour cette raison, a fort peu apprécié le séjour qu'a fait à Bordeaux feu Philippe le Hardi. Chevaleresque et esprit fervent, il désire rester en paix avec les autres royaumes afin de pouvoir repartir en croisade soutenir les Chrétiens d'Orient contre les Infidèles musulmans. Aussi, en ce mois de mai 1286, est-il bien disposé à l''égard de son neveu le roi de France Philippe IV le Bel.

Arrivé à Paris à la tête d'une suite imposante, Edouard 1er loge à l'abbaye de Saint Germain des Prés, sur la rive gauche de la Seine. Quand il rend visite à Philippe le Bel, installé au palais du Louvre, situé sur la rive opposée, il remonte le fleuve en bateau sous les regards curieux des Parisiens massés le long des berges.
Le 5 juin, c'est dans une salle du Louvre qu'il va rendre hommage à Philippe le Bel. Assis sur son trône, le roi de France domine l'auguste assemblée. Fier monarque, aussi brun que le Capétien est blond, l'Anglais s'avance majestueusement, se met à genoux, puis place ses mains dans celles du jeune souverain de dix huit ans, impassible! Le chancelier d'Angleterre, Robert Burnell, prend alors la parole au nom d'Edouard 1er. Il rappelle que le duc d'Aquitaine prête hommage au roi de France en vertu du traité de Paris signé en décembre 1259 entre Louis IX et Henry III d'Angleterre et que par ailleurs le Capétien n'a pas encore complètement appliqué.
Aux termes de cet accord, Louis IX rendait au Plantagenêt des terres, s'étendant du Limousin et du Quercy à la Saintonge, dont la conquête n'était pas pour lui légitimement fondée et entendait ainsi s'assurer la fidélité de son royal vassal. Or, toutes ces terres n'ont pas été effectivement restituées. Le roi Edouard est donc en droit de contester l'hommage en attendant que le Capétien ait réparé ses torts.

Dans l'assemblée, des rumeurs d'indignation interrompent cet inquiétant prologue. Philippe le Bel, quant à lui, reste remarquablement calme et, après avoir demandé le silence, ordonne au chancelier d'Angleterre de poursuivre.
Celui-ci adoucit son propos. Toutefois, reprend-il, même si, comme plusieurs de ses conseillers, le roi Edouard estime qu'il pourrait ne pas le faire, il veut bien prêter l'hommage à son cher neveu le roi de France, faisant confiance à celui-ci pour faire droit à sa requête et mettre enfin en application le traité de Paris.
Le chancelier prononce alors les paroles de l'hommage, qu'Edouard 1er répète après lui : "Je deviens votre homme pour les terres que je tiens de vous deçà la mer, selon la forme de paix qui fut faite entre nos ancêtres"
. Une fois le serment prononcé, les conseillers des deux souverains négocient le règlement des points de désaccord. Edouard 1er abandonne à Philippe le Bel ses prétentions sur le Quercy. De son côté, le Capétien met l'Anglais en possession de la partie de la Saintonge située au sud de la Charente. Il lui fait des conditions très larges, en tête desquelles on écrit : "Grâce faite au roi d'Angleterre".
Cet hommage n'est qu'un avant-goût des relations complexes qu'entretiendront les deux souverains. La possession d'un riche et puissant fief sur le continent place en effet Edouard 1er en état de singulière dépendance vis-à-vis de Philippe le Bel. Par exemple, en tant que pair de France, il peut siége et juger à la Cor de pairs, mais aussi y être jugé. Les baillis royaux ont un droit de regard sur le gouvernement de l'Aquitaine, et les appels en justice peuvent monter jusqu'à la Cour royale. La correspondance des souverains sera à ce sujet fréquente et méticuleuse. Mais, pour l'instant, leur entente est au beau fixe.
Une fois la cérémonie terminée, Philippe le Bel traite son oncle en prince et, pendant les quelque deux mois que le roi d'Angleterre passe à Paris, ils mènent sans arrière-pensée une véritable vie de famille sous l'égide de la vieille reine Marguerite de Provence, grand-mère du roi de France et tante du roi d'Angleterre.

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