LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL, CHEF D'ETAT
PHILIPPE LE BEL IMPOSE LA "MALTOTE"
(1292)
Toujours à court d'argent, Philippe le Bel institue en 1292 un impôt indirect sur les transactions commerciales. Surnommée la "maltôte", cette nouvelle taxe va susciter la réprobation et l'hostilité générales.
"Il y eut sous le règne de ce
roi, plusieurs maltôtes, centièmes, cinquantièmes, décimes et une foule d'autres
exactions et tailles fort lourdes", souligne le chroniqueur Guillaume
l'Ecossais à propos de Philippe le Bel. Il a beau être le plus puissant des
souverains d'Occident, le Capétien manque cruellement d'argent frais, et ce
tout au long de son règne. Puisque les revenus limités du domaine royal (d'un
montant d'environ 450 000 livres par an) ne peuvent suffire à couvrir les dépenses
de l'Etat, il a de plus en plus régulièrement recours à l'impôt.
En 1292,
le roi innove en instituant un impôt indirect sur les transactions commerciales,
payable à la fois par le vendeur et l'acheteur. Se montant à un denier par livre,
soit 4%, le prélèvement est relativement modeste, mais vient s'ajouter aux multiples
autres taxes, tant seigneuriales que royales, dont la population doit s'acquitter.
Ce nouvel impôt, qui se révèle extrêmement impopulaire, est immédiatement surnommé
"maltôte", de male tolta, c'est-à-dire "mal perçu"
ou "mauvais impôt". Une dénomination péjorative que Philippe
le Bel, lui-même, reprendra sans honte et qui, désignant de façon générale les
impôts sur la consommation, sera consacrée par le vocabulaire financier du XIVème
siècle.
Dans un premier temps, la maltôte doit être perçue dans
tout le royaume. Mais les barons réclament, et obtiennent, qu'elle soit restreinte
au seul domaine royal. Faute de disposer d'une administration des Finances,
capable de lever correctement la taxe, Philippe le Bel n'est pas en mesure de
transiger. Hors du domaine royal, cet impôt n'est pratiquement pas payé : seuls
quelques seigneurs permettent au roi de le lever sur leurs terres, comme la
chapitre de la cathédrale de Notre Dame de Paris. Les malchanceux qui doivent
s'en acquitter considèrent la maltôte comme "inouïe
et monstreuse", rapportent les chroniqueurs contemporains. Riches
et moins riches, marchands et consommateurs, tous détestent la maltôte. La noblesse
et le clergé, qui y sont assujettis au même titre que les bourgeois des villes,
s'offusquent d'une "égalité devant l'impôt"
qui leur vaut d'être rabaissés au niveau du petit peuple. Quant aux gens de
peu, les simples sujets de Sa Majesté, ils n'ont aucun espoir de compter
parmi les exemptés et craignent de ne pouvoir se soustraire aux sommations de
nouveaux receveurs, contrôleurs et espions du roi.
Quant aux villes royales,
elles entreprennent pour la plupart de se racheter moyennant des sommes fixes.
Il en coûte 12 000 livres à la Rochelle, 3 000 livres à Provins, 2 000 livres
à Saint Jean d'Angély. En 1295, Reims fait un "don gratuit"
de 6 000 livres, qui est accepté. Cette somme est réunie dans les formes prescrite
par Louis IX pour la levée des tailles communales, et les échevins rémois en
répartissent le montant sur plusieurs années.
Pour sa part, Paris se rachète pour 100 000 livres. Le
"livre de la taille" de la capitale, précieux document rassemblant
les rôles de la taille pour l'année 1292 et une partie des suivantes, fait le
relevé des contributions rue par rue, maison par maison, ainsi que pour une
centaine de corps de métiers. Comme à Rouen, ce "don" vient en compensation
du "denier pour livre" que Philippe le Bel a ordonné de lever
sur toutes les denrées vendues : il est perçu dans les formes des tailles municipales,
par les habitants de la ville eux-mêmes et sans aucune intervention d'agents
royaux. Mais la somme est si lourde à réunir que la taille de Paris demeurera
en vigueur jusqu'en 1301. En 1297, un arrêté du Parlement mentionne que les
bourgeois de la capitale ont voulu contraindre la population des bourgs Saint
Marcel et Saint Germain (à l'époque situés hors de la ville) à contribuer pour
une part au paiement de la taxe.
Ce mouvement de rachat de la maltôte par
les villes a des conséquences innatendues : la noblesse et le clergé sont
finalement exemptés, car ils ne participent pas aux tailles municipales; ils
ne sont ainsi aucunement mentionnés dans le livre de la taille de Paris. Au
bout du compte, Philippe le Bel devra se soumettre à la volonté de son peuple,
qui parfois ira jusqu'à se révolter.En 1297, la maltôte sera supprimée, mais
elle restera de sinistre mémoire et contribuera à renforcer l'impopularité du
roi.
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