LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL, CHEF D'ETAT
Le problème
de la Guyenne (27 octobre 1293 - Printemps 1296)
PHILIPPE LE BEL MENACE DE CONFISQUER LA GUYENNE
Roi d'Angleterre, Edouard 1er est également duc de Guyenne et, de ce fait, vassal du roi de France Philippe IV le Bel. Depuis des décennies, le beau duché hérité d'Aliénor d'Aquitaine reste une pomme de discorde entre les deux royaumes. Le 27 octobre, au prétexte d'incidents entre marins français et anglais, le Capétien va citer le Plantagenêt à comparaître devant la Cour et le menacer de confisquer la Guyenne.
La position du roi d'Angletterre Edouard 1er est d'autant plus intenable que le roi de France ne se gêne pas pour intervenir dans le duché de Guyenne par l'intermédiaire de ses officiers et que les nobles mécontents en appellent, comme c'est souvent le cas dans la société féodale, à la justice de leur suzerain (le Capétien) contre celle de leur seigneur (le Plantagenêt). Ce droit d'appel est une arme très efficace pour les barons en mal d'indépendance car, dès lors qu'ile en usent, ils sont automatiquement placés sous la protection de Philippe le Bel jusqu'au procès. Or, le Parlement de Paris ne se presse pas de juger!
La tension permanente à la frontière du duché et du royaume,
s'accroît à la faveur de fréquentes escarmouches entre marins français et normands
(fidèles à Philippe le Bel) d'une part, anglais et gascons (fidèles à Edouard
1er) d'autre part. Ils s'affrontent sur mer ou lors de rixes dans les ports
pour des affaires à propos de navigation ou de lieux de pêche réservés : les
prétextes ne manquent pas. C'est le cas en 1292 entre Bayonnais et Normands
près de la pointe Saint Mathieu, en Bretagne. La même année, venus à Royan charger
du vin, les Normands coulent quatre navires bordelais amarrés dans le port.
Au cours de l'année suivante, bien que désavoués par Philippe le Bel, les marins
normands continuent à s'en prendre à leurs rivaux anglais et bayonnais.
Ces
incidents répétés incitent Edouard 1er à réagir. Après avoir capturé et fait
décapiter quelques officiers français, il réunit la "flotte des Cinque
Ports" (cinq villes privilégiées des comtés du Kent et du Sussex formant
une organisation navale commune) et l'envoie à la rencontre des Normands : cette
fois, les Anglais ont le dessus.
Est-ce le prétexte qu'attendait Philippe
le Bel pour affirmer sa puissance et récupérer la Guyenne? Sa colère est légitime
: d'une part, les Normands ont agi de leur propre initiative (même s'il n'a
rien fait pour les en empêcher); d'autre part, le roi d'Angleterre a délibérément
lancé sa flotte contre les navires normands?
Tandis qu'il renforce ses garnisons
à la frontière du duché, le roi de France exige d'Edouard 1er qu'il lui livre
les officiers et les marins coupables. Le 27 octobre 1293, il va plus loin en
citant le duc de Guyenne à comparaître devant la Cour à la mi-janvier. Si le
roi-duc se dérobe, il risque la confiscation du duché par manquement à son devoir
de vassal; s'il obéit, il se soumet à Philippe le Bel et reconnaît sa prééminence.
Cette procédure féodale a déjà, un siècle plus tôt, sonné
le glas de l'empire Plantagenêt. Aussi Edouard 1er recourt-il à un subterfuge.
Certes, il accepte de négocier, mais sans comparaître en personne et délègue
à sa place son frère, Edmond de Lancastre, qui, époux de la reine Blanche, la
mère de la reine Jeanne de Navarre, est par ailleurs le beau-père du Capétien.
Après
bien des discussions, on finit par trouver un compromis : Edouard 1er livrera
vingt officiers gascons coupables envers son suzerain, offrira en gage de paix
six places fortes de Saintonge et de l'Agenais, et laissera aux officiers du
Capétien le droit de contrôler le reste de la Gascogne, en attendant la rencontre
entre les deux rois, qui doit avoir lieu à Pâques. Enfin, l'accord sera scellé
par le mariage de l'Anglais, veuf, avec Marguerite de France, soeur de Philippe
le Bel.
Cette entente semble pourtant bien fragile, car Philippe le Bel pose
comme condition à cette union la saisie du duché, autorisé par la non-comparution
d'Edouard 1er devant la Cour. Le subterfuge a manqué son but! Il est clair que
le roi de France veut la guerre; elle seule peut vraiment réduire la puissance
de son vassal et faire de la Guyenne un duché comme les autres. Mais il attend
son heure : le Plantagenêt se rapproche du comte de Flandre, Gui de Dampierre,
et il sait qu'il ne pourrait les affronter tous les deux en même temps, surtout
s'ils font alliance. Par ailleurs, il ne peut leur faire la guerre que conformément
aux lois féodales...
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