LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL, CHEF D'ETAT

 

LA "GRANDE ORDONNANCE DE REFORMATION" DU ROYAUME
(18 mars 1303)

Promulguée le 18 mars 1303, la "Grande Ordonnance de réformation" du royaume codifie et limite les prérogatives des officiers de la Couronne. Mais la volonté de Philippe le Bel est autant de veiller au bon fonctionnement des rouages de l'administration que de faire acte politique. En digne petit-fils de Saint Louis, il entend à la fois affirmer son autorité et son attachement à la "bonne justice".

Digne petit-fils de Saint Louis, Philippe le Bel entend limiter les prérogatives des agents de l'administration royale tant pour affirmer son autorité que pour mettre un terme aux abus dont le peuple est victime. Promulguée le 18 mars 1303, la "Grande Ordonnance de réformation" du royaume commence par rappeler des règles de bon sens et d'équité qui ont eu cours jadis. Elle fait ainsi nettement référence au passé en invitant les officiers royaux à "respecter les ordonnances de Saint Louis". Son objectif est de fixer des règles communes à tous les serviteurs du roi. Pour éviter d'éventuelles complaisances, nul bailli ou sénéchal, prévôt ou juge ne peut exercer ses fonctions dans son pays natal. De même, nul bailli ne peut avoir sous ses ordres, ses "parents, alliés ou commensaux"; il ne doit pas non plus accepter de cadeaux, ni se marier, ni marier ses enfants dans le bailliage sans la permission du roi ou de son lieutenant.

La Grande Ordonnance établit la désignation des administrateurs en fonction de leur compétence et leur bonne renommée. Ils sont tenus d'exercer leur charge en personne, de ne recourir à des substituts ou lieutenants, qui doivent prêter serment de se conduire loyalement, qu'en cas de maladie ou d'absence pour les service du roi. Par ailleurs, ils sont contraints de résider dans leur circonscription. Considérés comme responsables de leurs actes jusqu'à la fin de leur mmission, ils sont tenus d'y rester encore quarante jours après leur sortie de charge, et leur responsabilité passe à leurs héritiers. Les officiers royaux inférieurs relèvent de la juridiction des baillis et du Parlement. Tous, y compris les baillis, peuvent être soumis à une juridiction extraordinaire, exercée par des enquêteurs et des réformateurs, le plus souvent désignés au sein du clergé et chargés de réprimer les abus.
Un mandement de novembre 1303 somme tous les officiers d'être à leur poste dans la quinzaine sous peine de destitution immédiate. Il les enjoint de recevoir "avec respect" les ordres du roi tels qu'ils s'expriment dans la Grande Ordonnance et de les exécuter rapidement. A moins que ces ordres ne soient en opposition avec leur serment ou contraires aux intérêts du prince. Certains nobles marchandent ainsi leur soutien à la guerre de Flandre en demandant à Philippe le Bel la confirmation de leurs privilèges. C'est le cas d'Auvergants qui, en 1304, obtiennent cette royale promesse : "Nos chanceliers (juges) ne mettront nulle de nos lettres à exécution dans les terres ou les justices d'autrui ni ne connaîtront des choses qui sont en la justice d'autrui, si ce n'est par défaut ou par la négligence des seigneurs".

A partir de 1248, Saint Louis a envoyé des enquêteurs dans les provinces afin d'y recenser les abus et de réparer les injustices. Son successeur, Philippe III le Hardi, a fait de même. Philippe le Bel reprend cet usage : sur ce point, la Grande Ordonnance n'innove pas et entérine un état de fait. Les envoyés du roi continuent à veiller au maintien de la justice, peuvent modifier une assiette d'impôts, juger des crimes impunis et révoquer des officiers corrompus. Mais ils ont également la charge de veiller à une levée plus efficace de l'impôt et des amendes. Malheureusement, la Grande Ordonnance n'est pas toujours respectée à la lettre : bénéficiant d'une autorité discrétionnaire sur les autres agents de l'aministration royale, les enquêteurs finissent, eux aussi, par en abuser. En 1307, certains confisquent et vendent au profit du fisc les biens d'un clerc languedocien qui n'a jamais été au service du roi! En 1310, d'autres empiètent sur les fonctions des juges en transigeant avec un homme accusé de meurtre dont le procès a déjà été instruit. Il arrive aussi qu'ils laissent échapper des coupables et condamnent des personnes absoutes par les tribunaux ; dans le Périgord, un prévenu doit verser une amende de cent livres pour que le jugement, par lequel il a été acquitté, soit validé!
Les victimes de ces injustices n'ont plus alors pour recours que de faire appel devant le Parlement ou de soumettre leur cas aux commissaires extraordinaires du roi.

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