LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL, CHEF D'ETAT
Le problème
de la Flandre
UNE EXPEDITION AVORTEE
(Août 1314)
En juin 1314, le comte de Flandre, Robert de Béthune, décide de faire cause commune avec son fils Louis de Nevers contre Philippe le Bel. Dès le mois d'août, l'ost royal marche sur la Flandre. Mais, à peine les hostilités engagées, le roi va chercher à négocier la paix.
La conférence d'Arras, en juillet 1313, ne peut aboutir
à la paix tant que le comte Louis de Nevers, héritier du comté de Flandre, est
en rébellion contre le roi; d'autant que son attitude incite les villes à la
résistance. Quant au comte de Flandre, Robert de Béthune, il ne peut ouvertement
soutenir ni son fils ni ses sujets, mais, ulcéré par le mépris dans lequel le
tient Philippe le Bel, il n'est pas loin de se rallier à leur cause.
L'affaire
est d'autant plus préoccupante pour le roi que, l'Empereur Henri VII étant mort
en août 1313, Louis de Nevers a posé sa candidature au trône impérial et a quelque
chance d'être élu. Une chose est de rappeler un vassal à l'ordre, une autre
est d'entrer en conflit contre l'Empereur, surtout que depuis la mort du pape
Clément V, en avril 1314, le Capétien ne peut plus compter sur l'appui de Rome.
Philippe le Bel décide donc de changer radicalement de politique en Flandre
et de soutenir non plus les notables, mais les artisans et le peuple, de ne
plus favoriser les viles d'Ypres et de Gand, mais celle de Bruges. Dans le même
temps, le chambellan Enguerrand de Marigny est chargé de négocier secrètement
avec Louis de Nevers.
Robert de Béthune est prêt à s'engager à respecter les
traités conclus avec Philippe le Bel. Mais il ne peut accepter que le roi s'immisce
dans les affaires du comté en faisant fi des droits de la puissance seigneuriale.
Jusqu'ici, le Capétien a refusé de traiter de la paix directement avec lui;
de surcroît, en novembre 1313, il s'est arrogé la seigneurie de Mortagne sans
lui en référer conformément à l'usage qui veut que le vassal détenteur du fief
soit consulté. De plus en plus souvent, les légistes du conseil royal manoeuvrent
pour que les litiges soient soumis non à la juridiction comtale, mais à la justice
du roi. Voyant ainsi son autorité battue en brèche, voire tournée en ridicule,
le comte de Flandre s'insurge : dans ces conditions, comment peut-on exiger
qu'il tienne fermement en main son comté, qu'il amène à la raison et à la soumission
au roi ses sujets et ses villes toujours au bord de la révolte? Lorsque le bailli
comtal de Cassel refuse d'obtempérer aux ordres du roi, Robert de Béthune, tenu
pour responsable de la "bonne volonté" de l'ensemble des Flamands,
est cité à comparaître devant la cour. Bien qu'il trouve un prétexte pour se
dérober, ses relations avec son suzerain se détériorent gravement. Le retournement
de la politique royale ne lui laisse plus aucune illusion.
Le 26 juin 1314,
il rompt officiellement en faisant publier une proclamation solennelle sévèrement
critique à l'égard de Philippe le Bel, qu'il accuse en outre d'avoir laissé
son père, le comte Gui de Dampierre, mourir en prison. Face à ces violations
du droit, il se considère libéré de ses engagements vis-à-vis du roi et se range
au côté de son fils, avec qui il reprend les hostilités.
L'armée flamnade chasse le bailli et la garnison royale
de Courtrai. Puis elle fait mouvement pour aller mettre le siège devant Lille,
tandis qu'un contingent se dirige vers Tournai pour prendre la ville par surprise.
Seule la bourgeoisie d'Ypres reste fidèle au roi pour des raisons économiques,
car elle bénéficie des faveurs d'Enguerrand de Marigny, qui veille à approvisonner
régulièrement en drap flamand les foires de ses domaines de Normandie.
Philippe
le Bel réplique en levant de nouvelles troupes à la fin du mois de juillet 1314
et en convoquant l'ost à Arras pour le début du mois de septembre. Mais, dès
la mi-août, l'armée se met en marche : le roi est pressé d'en finir et doit
agir rapidement car une victoire flamande serait un argument de poids pour porter
Louis de Nevers sur le trône impérial. Quatre corps d'armée envahissent le comté.
Le 20 août, celui qui est commandé par le plus jeune fils du roi, Charles de
La Marche, le futur Charles IV le Bel, s'empare de Tournai.
Alors que l'armée
flamande vient de lever elle-même le siège de Lille avant l'arrivée des Français,
une trêve est bientôt envisagée. C'est que du côté flamand la guerre n'a pas
que des partisans : Jean de Namur, un des frères de Robert de Béthune, préfère
une paix boiteuse à un conflit meurtrier et semant la désolation. Il s'est installé
près de Tournai, à mi-chemin des deux camps, et a immédiatement proposé que
des négociations s'engagent par son truchement. Philippe le Bel, qui semble
vouloir mettre un terme à des hostilités à peine ouvertes, lui envoie Marigny
pour une première entrevue.
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