LES CAPETIENS
PHILIPPE IV
LE BEL, CHEF D'ETAT
Le problème
de la Flandre
LE "TRANSPORT" DE FLANDRE
(11 juillet 1312)
Le 11 juillet 1312, par le traité de Pontoise, Philippe le Bel renonce à la rente dont, depuis sept ans, les Flamands ne se sont toujours pas acquittés. En contrepartie, le comte de Flandre, Robert de Béthune, par le "transport" de Flandre, va lui céder ses droits sur Lille, Béthune et Douai.
Depuis la signature entre Philippe le Bel et la Flandre du traité de paix d'Athis sur Orge, en juin 1305, le problème de l'exécution des clauses financières reste toujours posé. A l'automne 1311, lors des orageuses conférences de Tournai, le comte de Flandre Robert de Béthune et son fils, le comte Louis de Nevers, ont été cités à comparaître devant la cour du roi pour se justifier "d'infractions à la paix".
Fin décembre, Louis de Nevers, la tête haute, se présente
devant l'assemblée et affirme que le roi lui a fait tort en enlevant ses enfants
et en confisquant ses fiefs. L'avocat Raoul de Presles contre-attaque par un
réquisitoire très dur, l'accusant de parjure et de lèse-majesté! Sur ordre de
Philippe le Bel, Louis de Nevers est arrêté et incarcéré à la prison de Moret.
Le 2 janvier 1312, après que des otages ont été pris en garantie, il est conduit
à Paris et le Conseil du roi décide de le transférer à la tour de Monthléry.
Mais de fortes chutes de neige obligent à différer le voyage. Le soir de l'Epiphanie,
le comte de Nevers, réputé grand buveur, invite ses gardes à trinquer en sa
compagnie. Alors que les geôliers, imprudents, s'enivrent, le prisonnier reste
sobre et en profite pour s'évader. Sa fuite a été soigneusement préparée et
il parvient à se réfugier dans la Flandre impériale, d'où il lance des appels
au pape Clément V et à l'empereur Henri VII.
Philippe le Bel est furieux.
Faute de pouvoir faire le procès de Louis de Nevers, il se retourne contre Robert
de Béthune, sans se préoccuper de la brouille, apparente, entre les deux hommes,
le fils reprochant au père d'avoir aidé le roi à le mettre en accusation. Le
12 janvier, sa vengeance consiste à citer le comte de Flandre à comparaître
non plus devant la cour en parlement, où il risque une simple condamnation,
mais devant la cour des Pairs, qui a le pouvoir de lui confisquer son comté.
Dans le même temps, il envoie à Arras une armée qui a pour mission de se tenir
prête à envahir le territoire flamand.
Robert de Béthune ne peut guère qu'obtempérer. Au mois
de juillet 1312, il se présente à Pontoise devant le roi et la cour des Pairs,
et cherche l'apaisement en plaidant coupable. Philippe le Bel ne veut que la
soumission du comte et du comté à son autorité, si bien qu'il prononce l'acquittement.
Le rapport de forces ainsi établi, c'est l'occasion de reparler des traités
d'Athis sur Orge et de Paris, sur un ton beaucoup plus conciliant qu'à l'époque
des conférences de Tournai. Le roi renonce définitivement à la rente de 20 000
livres : il en avait accepté le rachat pour moitié, mais n'a rien perçu; le
seul début d'exécution des clauses financières des traités a été le paiement
d'une partie de l'indemnité de guerre réglée par la "taille du roi".
En
échange de cette renonciation, le comte de Flandre cède au Capétien les châtellenies
de Lille, Douai et Béthune, déjà engagées jusqu'à l'application complète des
traités et dont le roi touchait les revenus en déduction de la rente. Philippe
le Bel et Robert de Flandre font donc chacun "transport"
(transfert) à l'autre de ses droits, sur la rente pour le premier, sur les seigneuries
pour le second. C'est ce qu'on appelle le "transport
de Flandre", qui est scellé par le traité de Pontoise du 11
juillet 1312. Le roi y fait preuve de générosité "en adoucissant"
quelques clauses secondaires et en rendant à son vassal la place de Cassel.
Cet
accord est particulièrement favorable à Philippe le Bel : son domaine s'accroît
des trois châtellenies, qui sont de riches et industrieuses cités; il est reconnu
comme arbitre des conflits en Flandre et dans le Hainaut, et a fait du comte
de Flandre son "client". Selon la rumeur, lechancelier de Flandre
aurait refusé de ratifier le traité de Pontoise, au motif que "le
comte se déshéritait de la sorte". Bien qu'elle soit sans doute
fausse, cette allégation reflète bien le sentiment qui prédomine dans le comté,
à savoir que Robert de Flandre a été la dupe du roi de France. Alors que les
conventions de 1305 et 1309 restent pour l'essentiel lettre morte, la détermination
des appartenances ou dépendances des châtellenies walonnes nouvellement annexées
sera par la suite une source inépuisable de conflit.
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