LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL, CHEF D'ETAT

 

LA NAISSANCE DE LA CHAMBRE DES COMPTES
(1300 - 1310)

Entre 1300 et 1310 se constitue et s'organise la Chambre des comptes, qui doit son nom à la "Camera computorum", le local qui lui a été attribué par Philippe IV le Bel au palais de l'île de la Cité. Peu à peu, cette nouvelle administration va devenir un rouage indispensable à la gestion et au contrôle des finances du royaume.

En 1295, Philippe le Bel fait retirer du château du Temple, la commanderie parisienne de l'ordre des Templiers, le Trésor royal, qui y est traditionnellement déposé depuis le milieu du XIIème siècle, et le fait transférer dans son château du Louvre. En ces temps d'extension du domaine royal, de levées d'impôts extraordinaires de plus en plus courantes et d'essor de l'administration, le roi entend veiller de près à la gestion de ses finances : entre 1300 et 1310, il va ainsi présider à la constitution et à l'organisation de la Chambre des comptes.
Depuis le règne de Louis IX, la Curia régis ("Cour du roi"), par laquelle les grands féodaux étaient consultés à l'origine, a eu recours à des clercs et à des laïcs recrutés pour leurs compétences et leur fidélité au roi. Jusque-là, sa section financière réunissait sept vérificateurs, quatre clercs et trois laïcs, chargés deux fois par an de contrôler la gestion des officiers locaux, en particulier les prévôts et les baillis. En 1300, Philippe le Bel fait rebâtir son palais de l'île de la Cité, où il réserve une "chambre", un appartement, à ses "gens des comptes".

En juillet 1303, le souverain revient sur sa décision de 1295 et retransfère le Trésor royal au château du Temple, mais en adjoignant deux de ses officiers au frère trésorier de l'ordre des Templiers. La même année, il affecte aux administrateurs des finances un local situé en face de la Sainte Chapelle, la Camera computorum. Dès 1306, cette institution, composée de seize membres, commence à être désignée sous le même nom que son siège : la "Chambre des comptes".
Peu à peu, la Chambre des comptes acquiert son identité propre, distince de la Cour du roi. Sa composition va refléter cette réalité quand Philippe le Bel interviendra pour écarter les Grands, pas toujours compétents, mais qui parlent haut et fort, au profit des financiers "professionnels" : "Si nos grands seigneurs voulaient conseiller ou parler sur une autre besogne, que ce soit sur le fait du Trésor ou autrement, qu'ils aillent dans une autre chambre, en sorte que par cela ceux des comptes ne soient pas empêchés", assène-t-il. Cette évolution s'accentue sous l'influence du légiste Enguerrand de Marigny, qui, à partir de décembre 1309, a la haute main sur le Trésor et fait surtout appel à des "maîtres" techniciens qui ne siègent qu'aux "comptes", tels les bourgeois parisiens Regnaut Bardou et Geoffroi Coquatrix, ou les clercs administrateurs Michel de Bourdenay, Geoffroi de Briançon, Sanche de la Charmoie et Jean de Saint Just. Vers 1310, Marigny ne convoque même plus les Grands. Après la mort de Philippe le Bel, en novembre 1314, son fils et successeur Louis X décidera de revenir au mode de recrutement antérieur, mais les non-spécialistes de la gestion financière renonceront spontanément à siéger.

A peine constituée, la Chambre des comptes est débordée. Deux fois par an, aux octaves de la Saint Jean et de Noël, les receveurs des bailliages (appelées sénéchaussées dans le Midi) lui présentent le bilan des recettes et dépenses de leur circonscription. Ils déposent leurs documents sur une table recouverte d'une étoffe de bure qui donnera à la pièce où elle est disposée le nom de "bureau". La Chambre consacre dix mois de l'année à la vérification de ces comptes, à leur apurement et à leur jugement. Puis, elle examine les comptes des hôtels du Roi, de la Reine et des Enfants de France, des Eaux et Forêts, des Monnaies, des trésoriers des guerres. Les commissaires et les enquêteurs, envoyés extraordinaires du roi, sont également soumis à son contrôle. Tous ces comptes sont ensuite envoyés à la Chambre d'aval (d'en bas), pour être passés au crible des "correcteurs". Parfois, à l'occasion d'une affaire importante, Philippe le Bel assiste en personne à ces séances.
Progressivement, les attributions de la Chambre des comptes s'étendent au contrôle administratif. Elle est consultée par le Conseil du roi, assume une fonction de juridiction, s'occupe des finances extraordinaires; maltôte, aides, fouage, gabelle, emprunts seront sous son contrôle pendant tout le XIVème siècle.
Logée au Palais, à proximité des appartements du souverain, elle est le seul corps de l'Etat relativement constitué, organisé et permanent. En des temps où les contours de l'administration sont encore fort imprécis, elle tend à devenir un rouage indispensable au bon gouvernement du royaume.

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