LES CAPETIENS
PHILIPPE IV LE BEL, CHEF D'ETAT
Le roi et l'Inquisition

 

L'EVEQUE DE PAMIERS JUGE POUR TRAHISON ET LESE-MAJESTE

Adversaire acharné de Philippe le Bel, l'évêque de Pamiers Bernard Saisset complote en Languedoc. Son procès, devant la cour à Senlis, met de nouveau face à face le Capétien et le pape Boniface VIII et s'inscrit dans le cadre de la lutte menée par le roi de France contre Rome et l'Eglise.

Devant une cour d'ecclésiastiques, de princes, de barons, de chevaliers et de quelques bourgeois, assemblée à Senlis, le 24 octobre 1301, Philippe le Bel écoute l'acte d'accusation de Bernard Saisset, évêque de Pamiers. Ce dernier est lourdement accusé d'hérésie, de trahison et de lèse-majesté. Celui que l'Histoire surnommera le "roi de fer" préside lui-même au procès de l'un de ses ennemis les plus déterminés. Pour donner le change et garantir un semblant de légalité, deux témoins favorables à Bernard Saisset sont présents. Il s'agit de Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne, sous l'autorité duquel le diocèse de Pamiers est placé, et de Nicolas Alberti, légat du pape en Angleterre. Les prélats plaident, sans succès, la cause de l'accusé.
Escorté par le maître des arbalétriers, Jean de Burlas, l'évêque de Pamiers, quasiment prisonnier du roi, a été amené à Paris au cours de l'été, où il a été sommé de comparaître devant Philippe le Bel. De noble lignée, bénéficiant d'appuis auprès du pape Boniface VIII, Bernard Saisset a depuis longtemps la dent dure contre le roi. Cherchant à asseoir l'autorité royale, le souverain bataille contre les restes de la féodalité et n'hésite pas à entrer en conflit avec l'Eglise et le pape. C'est dans ce contexte que se déroule le procès de Bernard Saisset, qui se bagarre contre l'hégémonie capétienne.

Six ans plus tôt, un premier conflit a éclaté entre Philippe le Bel et Bernard Saisset. Pour se concilier le comte de Foix, le roi lui a accordé la seigneurie de la ville de Pamiers. Par cette manoeuvre, il se comportait comme si la seigneurie lui appartenait toute entière. Presque un défi à Bernard Saisset, alors abbé de Saint Antonin et, de ce fait, seigneur pour moitié de Pamiers. Saisset en appelle au pape et obtient la création d'un nouveau diocèse, à Pamiers justement, dont il devient l'évêque. Au cours des années suivantes, l'évêque poursuit sa lutte contre le pouvoir royal. Il n'hésite pas à contester la légitimité de la lignée capétienne qui, pourtant, règne depuis trois siècles. Il ne ménage pas non plus ses critiques contre la personne de Philippe le Bel et son mode de gouvernement. Bernard Saisset va même beaucoup plus loin en caressant le projet d'arracher le Languedoc au royaume capétien. Il tente de mettre sur pied une alliance des princes languedociens et offre la province à Roger Bernard, comte de Foix. Malgré leurs ambitions, les grands seigneurs ne le suivent pas dans ses rêves fous. Roger Bernard de Foix alerte même l'évêque de Toulouse. Rumeurs et accusations remontent vers Paris.
En mai 1301, deux enquêteurs royaux, Richard Le Neveu et Jean de Picquigny, conseillers de Philippe le Bel, arrivent en Languedoc. Officiellement, leur mission est de combattre et de réformer les abus de l'administration et de la justice. En fait, les deux hommes mettent sous séquestre les biens de l'évêque et entendent les témoins. En clair, ils bâtissent l'acte d'accusation contre Bernard Saisset.

Au procès de Senlis, l'affaire semble donc entendue et le sort de Bernard Saisset déjà scellé. L'entourage royal et l'assemblée convergent vers une condamnation plus que probable de l'évêque de Pamiers. Mais là s'affrontent justices laïque et ecclésiastique. En attendant la condamnation, Philippe le Bel charge l'archevêque de Narbonne d'assurer la garde de Bernard Saisset. La requête plonge Gilles Aycelin dans l'embarras. Soutenu par le légat du pape, l'archevêque de Narbonne contre attaque. Le 28 octobre, il propose de porter l'affaire devant le pape, seul habilité, selon lui, à juger l'évêque et à le prendre sous sa garde en le ramenant dans sa province de Narbonne. Le roi oppose un refus. Le problème de l'incarcération de Bernard Saisset reste entier.
Afin de défendre les droits de l'Eglise, Robert de Courtenay, archevêque de Reims dont dépend l'évêché de Senlis, contre attaque à son tour. Il convoque un concile, en novembre à Compiègne, et frappe d'interdit les lieux où un clerc serait détenu par la justice laïque. Cet interdit empêche toute célébration, culte, enterrement ou baptême. La mesure sévère oblige à trouver un compromis. L'hôtel de Senlis où est emprisonné Bernard Saisset devient une enclave de la province de Narbonne. Conformément au droit canonique, l'évêque de Pamiers est désormais sous la garde de Gilles Aycelin. Le roi s'est assuré une victoire en emprisonnant Bernard Saisset, loin des terres où ce dernier ourdissait ses complots.

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