LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT

 

AIGUES MORTES : LE PORT DE SAINT LOUIS

Pour s'implanter dans le Midi et commercer avec l'Orient, la monarchie capétienne doit disposer d'un port autonome, susceptible d'accueillir les navires de haute mer et puissamment fortifié. Louis IX choisit de le faire édifier sur le site d'Aigues Mortes, à l'embouchure du Petit Rhône. Le 25 août 1248, les travaux sont assez avancés pour lui permettre d'être le premier monarque français à partir pour la Terre Sainte depuis son propre port.

En avril 1229, par le traité de Meaux-Paris, le comte Raimond VII de Toulouse a cédé ses terres du Languedoc à la Couronne. Cette même année, le domaine royal s'est agrandi de deux nouvelles sénéchaussées, celles de Beaucaire et de Carcassonne, et dispose pour la première fois d'un accès à la Méditerranée. La monarchie capétienne désire maintenant s'implanter solidement dans le Midi, étendre son influence sur la côte et développer le commerce avec l'Orient. Pour ce faire, il lui faut posséder une infrastructure autonome, et ne plus dépendre comme auparavant des ports extérieurs au royaume, de Marseille, cité provençale en terre d'Empire, et surtout de Gênes. Les pays de Narbonne et de Montpellier sont politiquement peu sûrs : le premier reste attaché à la dynastie comtale toulousaine et le second, fief épiscopal de Maguelonne, est sous influence aragonaise. Quant au port de Saint Gilles du Gard, très actif au XIIème siècle, il n'est plus en eau libre. Une création "ex nihilo" semble la meilleure solution, et Louis IX a jeté son dévolu sur la rade des Eaux Mortes, un excellent mouillage situé à l'embouchure du Petit Rhône sur le grau de la Chèvre. Dès 1240, le roi a entamé avec l'abbaye Saint Pierre de Psalmodi des négociations qui aboutiront en 1248 à un échange de terrains qui lui permettra de devenir propriétaire d'une large portion du littoral, en partie désenclavée grâce à la mise en place par les bénédictins d'un réseau de chemins vers Nîmes. Bien qu'entourée de nombreux étangs d'eaux mortes, bien qu'insalubre et menacée par l'ensablement, cette contrée offre l'inestimable avantage d'appartenir en propre au domaine royal.

La construction d'un ensemble portuaire associé à une ville neuve exige des moyens financiers considérables : bourgeois des villes et communautés monastiques sont largement mis à contribution. Dès l'ouverture du chantier, en 1241, des privilèges sont accordés aux transporteurs et les péages sont supprimés afin de permettre l'acheminement des matériaux, en particulier le bois et la pierre, depuis toutes les provinces du royaume. En 1246, le roi octroie une charte de consulat et de nombreux privilèges aux habitants du lieu, qui, pendant vingt ans, sont exemptés de taille et de chevauchée.
Ayant fait voeu de croisade en décembre 1244, Louis IX est résolu à s'embarquer pour la Terre Sainte non depuis un sol étranger, mais depuis le royaume de France. Afin que "son" nouveau port Aigues Mortes dévienne désormais le point de départ obligé vers Jérusalem, il presse les entrepreneurs pour que les travaux soient menés à bien aussi vite que possible.
L'aménagement du site s'organise en fonction de deux ensembles. L'étang autour duquel s'étend la cité constitue un port intérieur, un abri particulièrement sûr et protégé. A quelque deux kilomètres de là, la lagune est un port maritime ouvert aux navires de plus fort tonnage.
Les deux sites sont reliés par de nombreux chenaux et un réseau de voies navigables permet d'acheminer les marchandises vers l'arrière pays.

A la mi-août 1248, lorsque le roi arrive à Aigues Mortes, les travaux sont loin d'être achevés. Louis IX est cependant très satisfait : le plan en damier selon lequel s'organisera la ville, l'enceinte provisoire et la grosse tour de Constance, où il réside, ne manquent pas de l'impressionner. Dans la cité, transformée en un gigantesque arsenal, ouvriers et artisans ne cessent de s'affairer, tandis que chevaliers et hommes d'armes veillent aux derniers préparatifs de la septième croisade.
Dans le port, doté des aménagements indispensables, la Montjoie, la nef royale, et une trentaine de vaisseaux sont prêts à appareiller. Grâce au creusement du chenal du Grau du Roi, la lagune communique désormais directement avec la mer. Le 25 août, pour la première fois, un souverain français embarque pour la Terre Sainte depuis son propre port sur la Méditerranée.
En 1266, Louis IX obtient du pape Clément IV le droit de prélever un denier par livre sur les marchandises transitant par Aigues Mortes afin de financer l'édification des remparts. Mais les derniers travaux et d'aménagement ne seront menés à terme que sous les règnes de ses successeurs, Philippe III le Hardi et Philippe IV le Bel
Jusqu'au milieu du XIVème siècle, va s'ouvrir pour Aigues Mortes et sa région une période d'exceptionnelle prospérité. Au croisement des grandes routes commerciales du Moyen Age entre l'Occident et l'Orient, la cité et le port fondés par Saint Louis s'enrichiront grâce au négoce des draps et des grains, des épices et de la soie. 

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