LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT
L'HERITAGE DE PROVENCE
(31 janvier 1246)
En août 1245, à la mort du comte Raimond Berenger V, la Provence revient non à l'aînée des quatre filles du défunt, la reine Marguerite, épouse de Louis IX, mais à la cadette, Béatrice. Contrairement à ses soeurs, celle-ci n'est pas encore mariée. Le 31 janvier 1246, elle va épouser Charles d'Anjou, le plus jeune frère du roi de France : cette union contribuera à consolider l'influence de la monarchie capétienne en ce fief d'Empire qu'est la Provence.
Fief d'Empire limitrophe du royaume de France, la Provence
est une terre douce et prospère. Depuis plus de quatre décennies, l'énergique
Raimond Berenger V y gouverne avec sagesse et fermeté. Le dernier comte de la
dynastie aragonaise a doté les domaines sous sa dépendance d'une structure administrative
propre à favoriser un remarquable essor économique. Poète à ses heures, ami
et protecteur des troubadours, il entretient avec son épouse, la comtesse Béatrice,
une Cour raffinée et brillante à Aix en Provence.
En prenant le parti de
Louis VIII lors de la croisade contre les Albigeois, Raimond Berenger a évité
que ses terres provençales ne soient ruinées par la guerre et les barons du
Nord. En outre, pour s'assurer des alliances solides face à l'empereur Frédéric
II, il a marié trois de ses filles aux plus puissants des princes d'Occident...
Marguerite, l'aînée, a épousé la Capétien Louis IX en 1234; Aliénor, ou Eléonore,
la
deuxième, le roi Henry III d'Angleterre en 1236; Sanchie, ou Sanche, la troisième,
le comte Richard de Cornouailles, frère cadet d'Henry III, en 1241. A la fin
de la première moitié du XIIIème siècle, l'influence de la monarchie capétienne
est en voie de se substituer en Provence à celle, bien plus lointaine, de l'Empereur.
Raimond Berenger s'est éteint le 19 août 1245 à Aix en
Provence à près de quarante deux ans. Il a perdu deux fils en bas âge et n'a plus d'héritier
mâle. De ses quatre filles, seule la cadette, Béatrice, ou Béatrix, n'est pas
encore mariée. Pour éviter que la Provence ne soit absorbée par un des deux
grands royaumes d'Occident, la France ou l'Angleterre, c'est à elle qu'il a
légué son comté. Il a en outre stipulé dans son testament que si Béatrice n'a
pas d'enfant, et que si sa soeur Sanchie n'a pas de fils, son héritage ira à
son cousin le roi Jacques 1er d'Aragon.
Sitôt Raimond Berenger disparu, les
prétendants sont nombreux à convoiter la main de Béatrice de Provence et le
titre de comte des domaines dont la jeune fille vient d'hériter. Le comte Raimond
VII de Toulouse est de ceux là. Louis IX ne voit pas d'un très bon oeil la candidature
du Méridional, qui s'est maintes fois rebellé contre l'autorité de la monarchie
capétienne. D'autant que, en divorçant, puis en se remariant, le Toulousain
espère avoir enfin un héritier mâle, à qui il pourrait léguer ses domaines au
lieu de les transmettre à la Couronne de France par l'intermédiaire de sa fille
Jeanne, épouse d'Alphonse de Poitiers, frère du roi, ainsi que le prévoit le
traité de Meaux-Paris signé en avril 1229. Le Capétien bénéficie du soutien
du pape Innocent IV, qui refuse au comte de Toulouse la dispense de parenté
nécessaire au mariage avec Béatrice de Provence; mais l'accorde à Charles d'Anjou,
le plus jeune frère du roi!
En conflit ouvert avec Frédéric II, le souverain pontife
a tout intérêt à ce que la Provence, terre d'Empire, passe sous influence française.
Aussi s'emploie-t-il également à écarter la candidature du futur Conrad IV de
Hohenstaufen, le fils de l'Empereur. Quant aux Aragonais, qui aimeraient eux
aussi s'emparer du comté et de son héritière, Louis IX les oblige à renoncer
à leur projet en leur envoyant ses armées.
En novembre 1245, à l'issue de
la rencontre au monastère de Cluny entre Innocent IV et le roi de France (qui,
en habile stratège, a su tirer parti de la querelle entre le Saint Siège et
l'Empire), les fiançailles de Charles d'Anjou et de Béatrice de provence sont
officiellement annoncées. Au début de l'année suivante, le frère de Louis IX,
accompagné par Philippe de Savoie, archevêque de Lyon et oncle de la future
mariée, prend possession de la Provence. Le 31 janvier, les noces de Charles,
qui va sur ses dix neuf ans, et de Béatrice, de quatre ans sa cadette, sont célébrées
en grande pompe.
Ce mariage qui entérine le passage de la Provence dans la
mouvance capétienne, est scellé pour la plus grande satisfaction du roi. La
reine Marguerite, elle, regrettera toujours la perte du doux comté qui l'a vue
naître, dont elle estime que, en tant qu'aînée, elle aurait dû recueillir l'héritage
en lieu et place de la plus jeune de ses soeurs.
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