LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT

 

LOUIS IX ARBITRE DE LA CHRETIENTE
(Novembre 1245)

En 1245, le conflit qui oppose la papauté et l'Empire est dans une impasse. En novembre, à l'abbaye de Cluny, Louis IX va tenter d'amener le pape Innocent IV à se réconcilier avec l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen. Respectueux de l'Eglise de Rome, mais fermement opposé à son intervention en matière de temporel, il va oeuvrer pour la paix et la concorde en impartial arbitre de la Chrétienté.

Maître de l'Allemagne et du royaume de Sicile, l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen a tenté de s'imposer en Italie du Nord et a mené une politique d'expansion territoriale qui a provoqué l'hostilité du Saint Siège, inquiet de voir ses domaines pris en tenaille. Au fil des années, la querelle entre le pape et l'Empereur s'est envenimée. Lorsque ce dernier a formé le projet de réunir la Péninsule, y compris la plus grande partie des Etats pontificaux, sous la tutelle de la monarchie sicilienne, il a été excommunié. Les successeurs de Grégoire IX n'entendent pas se montrer conciliants, en particulier Innocent IV, monté sur le trône pontifical en 1243, et le conflit semble dans l'impasse. Certes, l'Empereur tient sa couronne et sa légitimité de Rome, mais il n'en détient pas moins la réalité du pouvoir temporel. S'il se montre toujours respectueux envers le pape, Louis IX considère que celui-ci n'a pas à intervenir en matière de politique, tenant lui aussi à rester indépendant et seul maître en son royaume terrestre. Il souhaite par ailleurs garder de bonnes relations avec Frédéric II, à l'égard de qui il affiche une neutralité bienveillante, et dès 1240 il a refusé la proposition de Grégoire IX, qui offrait la couronne impériale à son jeune frère Robert d'Artois.

A partir de 1243, Louis IX essaie de réconcilier le pape et l'Empereur par l'intermédiaire du comte de Toulouse Raimond VII de Saint Gilles. Mais les pourparlers sont rompus le 28 juin 1244. A la fin de l'année, Innocent IV, craignant d'être fait prisonnier par Frédéric II, quitte Rome pour Lyon, cité en terre d'Empire, mais suffisamment proche du royaume de France pour qu'il puisse s'y réfugier, si sa vie est menacée. Le 3 janvier 1245, il convoque un concile dans l'ancienne capitale des Gaules pour le 24 juin afin de répondre à trois objectifs : mettre sur pied une nouvelle croisade; s'opposer aux Mongols, implantés sur les rivages de l'Adriatique depuis 1241; régler le conflit avec l'Empereur.
Les deux cents eclésiastiques réunis à Lyon se préoccupent surtout de faire le procès de Frédéric II, accusé de crime contre la foi et la morale chrétienne, d'abus de toutes sortes et de violation de serment. Louis IX envoie des émissaires à Turin afin de dissuader l'Empereur, qui a massé ses troupes en Italie du Nord, d'intervenir militairement. Son message est clair : "Ne touchez pas au souverain pontife pour ne pas encourir la colère de Dieu". Cité à comparaître devant le concile, l'Allemand se contente de déléguer le plus compétent de ses juristes, Thaddée de Suessa, pour faire part de son désir de défendre la Chrétienté contre les Mongols, les Sarrasins et les Grecs et de sa promesse de réparer les préjudices commis à l'encontre du Saint Siège.

Mais le 17 juillet, , Frédéric II est une nouvelle fois excommunié, solennellement exclu de l'Eglise, déposé de son trône et déchu de tous ses honneurs; défense est faite à ses sujets, dégagés de tous liens et serments de fidélité, d'obéir à ses ordres; les princes allemands sont invités à élire un nouvel Empereur et le pape déclare son intention de donner un nouveau souverain au royaume de Sicile.
En septembre, Frédéric II demande l'arbitrage de Louis IX, qui décide de rencontrer le pape à l'abbaye de Cluny, proche de la frontière de l'Empire et tenue par un de ses parents, l'abbé Guillaume de Pontoise. En novembre, le Capétien confère secrètement pendant une semaine avec Innocent IV, qu'il prie d'accepter la proposition de l'Empereur, qui promet de partir pour toujours en Orient (et à Jérusalem dont il est roi depuis 1229) si l'excommunication est levée et si son fils, le futur Conrad IV, est reconnu comme son successeur légitime. Le roi rappelle que la Terre Sainte est en péril et que l'Evangile conseille de pardonner à son prochain, mais se heurte au refus obstiné du souverain pontife.
Après l'entrevue de Cluny, la querelle entre le pape et l'Empereur tourne au conflit acharné et ne s'éteindra que cinq ans plus tard, à la mort de Frédéric II. Louis IX juge cette lutte entre Chrétiens sacrilège, d'autant qu'elle détourne bien des princes de la croisade, qui lui semble primer sur tout autre objectif. Mais il sera le seul à se consacrer à ce pieux dessein; qu'il pourra réaliser en s'embarquant pour la Terre Sainte le 25 août 1248, après que Frédéric II aura été battu à Parme et que le pape ne semblera plus menacé. Et après s'être imposé comme arbitre entre les deux puissances suprêmes que sont la papauté et l'Empire, affirmant avec calme et fermeté son autorité comme son image de souverain sage et impartial.

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